"Apartheid Stop - Albertini liberté" : un graffiti de 1986 toujours présent à Pont-d'Ain (Ain)
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Apartheid Stop - Albertini liberté ! Pont-d'Ain (01) |
La mobilisation lycéenne et étudiante contre le projet de loi présenté à la fin de l'année 1986 par Alain Devaquet, ministre délégué chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche dans le second gouvernement de Jacques Chirac, se concentre sur les mois de novembre et décembre 1986. Le mouvement prend très rapidement une ampleur nationale. Le 4 décembre, la fin de la manifestation tourne à l'émeute sur l'esplanade des Invalides suite à l'échec des négociations entre la coordination et le gouvernement. Le lendemain, le ministre de l’Éducation, René Monory, annonce qu'il reprend le dossier. Dans la nuit du 5 au 6 décembre, suite à une nouvelle fin de manifestation violente, le Peloton des Voltigeurs Motoportés (PVM), brigades mobiles imaginées par Charles Pasqua et Robert Pandraud, fait des rondes pour rechercher des « casseurs ». Deux policiers du PVM vont matraquer jusque dans le hall d'un immeuble où il s'était réfugié, un étudiant de 22 ans, Malik Oussekine. Transporté à l'hôpital Cochin, il succombera à ses blessures. Le 6, Alain Devaquet démissionne et le 8, le projet de loi est retiré.
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Plaque commémorative sur le trottoir devant le 20 de la rue Monsieur-le-Prince à Paris. CP : LPLT |
Pierre-André Albertini, quant à lui, est un symbole du combat contre l'Apartheid en Afrique du Sud. Originaire d'Evreux (Eure), il fait des études de littérature à Paris, en classe préparatoire à l'ENS, puis à la Sorbonne. Coopérant français affecté au département de français de l'université de Fort Hare dans le bantoustan du Ciskei, il est incarcéré à partir d'octobre 1986 dans les prisons du Ciskei, pour avoir transporté des armes pour le compte de l'ANC (parti marxiste interdit par le régime de l'Apartheid). Il est accusé d'être un « porteur de valise » et est condamné à 4 ans de prison par le tribunal sud-africain pour avoir refusé de témoigner contre des opposants au régime raciste.
Une intense campagne en faveur de sa libération s'engage alors en France, initiée par le parti communiste français et relayée par l'évêque d'Evreux, Monseigneur Jacques Gaillot, (qui a été déchargé de ses fonctions en 1995, en raison de ses prises de position contraires au magistère de l'Église catholique). Le Président François Mitterrand prend même prétexte de l'emprisonnement d'Albertini pour refuser ses lettres de créance au nouvel ambassadeur sud-africain en France. Les manifestations vont se succéder, que ce soit à l'occasion de la terrible répression du mouvement noir, particulièrement lors des massacres de Soweto, ou pour dénoncer la complicité des autorités françaises qui arment l'apartheid et lui fournissent des centrales nucléaires. Des actions seront menées pour empêcher l'importation de marchandises en provenance d'Afrique du Sud, tel le charbon. Les murs de France se couvrent de slogans : « Libérez Mandela », « A bas l'apartheid », « Libérez Albertini ». Des concerts anti-apartheid sont organisés.
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Tiré de Oise Avenir n° 1301 du 13/12/2013. |
Nelson Mandela sera libéré le 11 février 1990 après vingt-sept années d'emprisonnement dans des conditions souvent difficiles et après avoir refusé d'être libéré pour rester en cohérence avec ses convictions. En 1993, il reçoit le prix Nobel de la paix pour avoir conjointement et pacifiquement mis fin au régime de l'apartheid et jeté les bases d'une nouvelle Afrique du Sud démocratique. Il devient le premier président noir d'Afrique du Sud en 1994 et mène une politique de réconciliation nationale entre Noirs et Blancs.
Les recherches effectuées pour relater l'histoire de ce graffiti ont fait remonter quelques vieux souvenirs. A l'époque j'ai participé, à Lyon, avec mes compères libertaires, aux manifestations contre la loi Devaquet, celles pour dénoncer l'assassinat de Malik Oussekine, celles contre le racisme, pour la libération de Nelson Mandela, etc. Cela m'a valu d'être "gazée" par les C.R.S., mais aussi de me retrouver en photo dans un IRL (Informations et Réflexions Libertaires) revue lyonnaise qui a compté 89 numéros de 1973 à 1991 et un dernier n°90 en 2002. (photo ci-dessous, que je ne possédais pas, retrouvée sur la toile grâce aux recherches liées à ce graffiti). Merci aux archivistes du CRAS Toulouse ! 👌
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