Du Jura à Lyon en passant par Neuville-sur-Ain, on les appelait les radeliers

 


L'impasse des Radeliers à Neuville-sur-Ain a été nommée ainsi car les radeliers naviguant sur l'Ain font partie de l'histoire du village.

Les radeliers ont vogué sur nos rivières depuis l'antiquité. Ils étaient chargés de convoyer le bois et d'autres marchandises sur tous les cours d'eau issus de contrées forestières. Ils partaient de Molinges, Epercy, Condes, ou Thoirette (Jura), villages placés sur le parcours de la Bienne qui commençait seulement là à être navigable (sur ses cinquante-cinq kilomètres de cours, seuls les dix-neuf kilomètres précédant son confluent avec l'Ain sont déclarés navigables). Echelonnés le long des dix-neuf kilomètres de la Bienne navigable, les ports d'embarquement recevaient les dépôts de bois provenant des forêts voisines (prélude à la confection des radeaux), mais aussi diverses marchandises. Le premier port était à Molinges, alimenté par les forêts de Choux, Viry, Longchaumois, Septmoncel et les Hautes Molunes (aujourd'hui La Pesse). Les habitants de la vallée vivaient en partie de leur rivière, non seulement par la force motrice qu'ils en tiraient, par la pêche dont le produit était à la base de l'alimentation des riverains, mais aussi par les retombées économiques liées au transport du bois.


Il existait deux techniques de flottage : le flottage à bûches perdues, utilisé pour le ravitaillement des villes en bois de chauffage et le flottage par train de bois. C'est cette seconde méthode qui fut pratiquée par les radeliers jurassiens, sauf sur la partie non navigable de la Bienne ou le premier moyen était utilisé pour faire descendre le bois jusqu'au port de Molinges. 

Les radeliers prenaient en charge les longs fûts abattus à vingt kilomètres à la ronde, pour confectionner de véritables trains de bois et s'en aller, portés par la rivière, jusqu'à Lyon, terme habituel du voyage. Leur technique aboutira à la réalisation d'énormes radeaux souples qu'ils parviendront, non sans efforts et sans danger, à conduire à bon port. La fabrication d'un radeau exigeait des mariniers une grande dépense d'énergie et de force physique. Ils faisaient rouler le bois à la rivière, dans une anse peu profonde ou sur une berge basse, aidés quand il le fallait par un attelage de bœufs ou de chevaux. Ensuite, ils alignaient les bois côte à côte et les arrangeaient pour former un chargement à peu près rectangulaire. Les bois étaient maintenus deux à deux par des crampons de fer puis renforcés de  « riôtes », liens de bois dur, le plus souvent de chêne, de la grosseur du poignet. Le radeau devenait ainsi un assemblage aussi homogène que possible, mais relativement fragile en cas de choc.  

Plan d'un radeau.

Ils ne descendaient bien sûr pas n'importe quand dans l'année. Les rivières d'hiver trop grosses étaient dangereuses et ils ne passaient plus sous les ponts, les rivières d'été trop faibles faisaient échouer les radeaux sur chaque banc de sable. La meilleure période s'étirait de mars à avril, au moment de la fonte des neiges. Mai était passable, ensuite ils surveillaient les orages d'été qui enflaient les eaux, mais souvent il leur fallait attendre novembre. Ceux qui descendaient par pleine lune pouvaient rallier Lyon en vingt-quatre heures, en naviguant de nuit. Le plus souvent, le voyage s'effectuait en deux ou trois étapes, avec arrêt près des auberges où l'on avait ses habitudes. L'opération très délicate qui avait pour but de stopper l'engin requérait force et adresse. 

En attendant la crue, relié par un cordage aux boucles d'ancrage de la berge, ou plus simplement à un arbre, le train de bois va embarquer des marchandises d'exportation. On commençait par le charger de sciage de sapin : madriers, chevrons, planches. Mais on débordait de l'industrie du bois pour entasser les fabrications les plus diverses, produits du sol ou de l'artisanat local : charbon de bois, poisson, ballots de mousse ramassée dans les forêts de Lavancia et de Rhien pour servir au calfatage des barques de la Saône et du Rhône, bonbonnes de gniole provenant des alambics de Chancia et de Condes, lingots de fer, caisses d’emballage en treillis de noisetier et produits manufacturés (robinets, pipes et sifflets de Saint-Claude, peignes d'Oyonnax). Les tourneurs de Vaux livraient des perches de tilleul ou de noisetier, très finement polies, destinées aux soyeux et teinturiers lyonnais. A Molinges, on prenait à bord les blocs de marbre extraits de la carrière de Chassai, découverte par le curé Clerc, en 1768. L'arrêt à Thoirette permettait de compléter le chargement de lots de barques construites par les charpentiers du lieu, qui rejoignaient celles du départ. Les gros bois étaient expédiés en radeaux, les autres articles sur des bateaux ou batelets (groupés entre eux en « coubles » pour économiser le nombre de conducteurs). Il arrivait même que quelques audacieux passagers empruntent les radeaux. C'étaient le plus souvent des membres de la famille d'un nautonier, voyageant à leurs risques et périls.

Au départ de Condes, Félicien Passot, chef radelier, commande la manœuvre au gouvernail. Source : famille Victor Reydelet à Condes. Asphor.org.

Pour diriger un radeau, ce qui n'était pas une mince affaire, la propulsion restant incontrôlable, le maître-radelier devait avoir l'œil et de l'expérience. Il disposait d'une équipe de six à neuf hommes, la « rigue », qui servait trois rames, ou plutôt trois perches, deux à l'avant et une à l'arrière. C'est à cette dernière qu'officiait le patron. Ces perches, solidaires de l'embarcation, agissaient comme des leviers auxquels s'arqueboutaient les hommes pour  faire dévier la trajectoire et éviter bancs de sable et roches. Il y avait quelques points noirs sur le parcours, en particulier au lieu de l'Abbaye, aussitôt après Condes, où serpentait un double virage à angle droit. De même à Lallemand, à quelques kilomètres de Poncin, un barrage imposait une manœuvre délicate. La "passe" de Neuville-sur-Ain (passage en pente douce destiné aux radeaux situé sur le barrage côté rive gauche) leur donnait du fil à retordre. Le pont de Neuville resta longtemps le premier ou l’un des premiers que rencontraient les radeliers. Son arche était justement crainte et seule l’immense expérience du chef radelier permettait de choisir le meilleur endroit pour passer cet obstacle “incontournable”. Une fois le défi périlleux réussi, ils en profitaient pour faire une halte à Neuville car les auberges y étaient florissantes (l'Ecu de France, le Lion d'Or, la Croix-Blanche...). Dans ces estaminets qu’égayaient leurs rires et leurs plaisanteries, ils rencontraient les autres gens du voyage : peigneurs de chanvre, rémouleurs, colporteurs, etc.

Presse : La rivière reçoit, à la descente seulement, quelques petits bateaux de bois de chauffage, charbon de bois, caisses d'emballage, etc. En 1904, le bureau de statistique de Neuville-sur-Ain a constaté le passage de 123 radeaux ou bateaux chargés d'un tonnage de 918 tonnes ; ce tonnage va en diminuant chaque année. En 1904, la navigation n'a été possible que pendant 87 jours, c'est la moyenne. (Le Courrier de l’Ain, 8 novembre 1906).

La "passe" de Neuville.

Les accidents n'étaient pas rares : « L'an mil sept cent cinquante-sept et le trente-un de juillet Georges Biolet descendant à Lyon sur un radeau fut jeté dans l'eau par un coup d'avance [accélération brutale du radeau] et se noya » (extrait des registres paroissiaux de Molinges). Naufrages, chute d'objets sur la tête..., les registres paroissiaux et la chronique rapportent les tragédies. Il y a aussi le fait banal de ceux qui meurent loin de chez eux plus simplement de maladie. Rixe ou coup du sort, on ne saura jamais comment a fini Pascal Persoz, radelier de Vaux. Il y avait aussi les chanceux, tels « le Coq », qui passa sous un radeau et ressortit indemne à l'autre extrémité. Mais le plus souvent, les radeliers mourraient dans leur lit, d'une fluxion de poitrine. Ils s'estimaient heureux, auréolés du prestige que leur conférait leur tâche aventureuse. Ils connaissaient la grande ville, Saint-Clair, le port au bois de Lyon. Dans le petit bistrot en planches, à l'enseigne du « Rat Blanc », personnages hauts en couleur, ils se retrouvaient et régalaient leurs amis lyonnais. Le voyage terminé, ils arboraient l'écharpe de soie nouée à la taille où elle formait deux pans. C'est ainsi qu'ils se montraient, dans les rassemblements et les fêtes, au début du XIXe siècle (cf. Annuaire du Jura de 1823).

Presse : Vendredi 11 janvier, le sieur Adolphe Buffavand, du village de Courtoufle, arriva à Neuville sur un bateau chargé de fagots et conduit par 14 hommes ; il fut jeté par le courant sur un rocher à fleur d'eau situé au milieu de l'arche de Bresse, où son bateau fut brisé et sombra immédiatement. Les hommes de l'équipage n'eurent que le temps de se sauver dans les petites barques dont on s'était muni par précaution. (Le Courrier de l’Ain, 19 janvier 1906).

L'arche du pont.

Arrivés à Lyon, après passage en douane, les radeliers déchargeaient leur marchandise, puis ils s’efforçaient de vendre leur embarcation un bon prix. Car le radeau était constitué d’une matière - le bois -  très appréciée. Le contenant comme le contenu avait donc valeur. Et si le matériau ne se vendait pas, ils démontaient le radeau et le débitaient pour le chauffage. Heureusement, l’insuccès restait relativement rare et les radeliers prenaient à pied le chemin du retour, le gousset bien garni.

Le pont de Neuville.

Malgré les qualités supplémentaires que le flottage ajoutait aux arbres des forêts (le séjour dans l'eau rendait en effet le sciage plus aisé), l'apparition du chemin de fer porta un coup fatal au métier de radelier et scella définitivement le sort d'un transport millénaire. Les conducteurs d'attelages accompagnèrent un quart de siècle encore les sapins de la montagne jusqu'au fond de la vallée. Ce n'était plus pour les descendre au port, mais pour les livrer à la gare des marchandises où se dressait la grue, insolite girafe sous le ciel comtois. Le printemps de 1919 vit s'amarrer, en amont du pont de la Boucle, côté rive gauche, le dernier radeau expédié par Emile Duparchy, négociant à Jeurre. Il était destiné à la maison Lafosse de Lyon. Henri Bourbon, de Lavancia, le vit passer. Dans l'enthousiasme de ses dix-huit ans, il aurait bien voulu continuer la grande aventure. Hélas ! Elle était bien finie, même si quelques  radeaux descendirent, épisodiquement, jusqu'en 1924. Il n'était plus possible de suivre la trace des « grands », ceux qui entrèrent dans la légende : les Dupré, d'Uxel, le père Lionel et ses deux fils : « le Sac » et « le Roule », Alexandre Gadey d'Epercy, un chef de grande renommée, Ernest Julien dit « le Tavent », de Chancia, « le Grand Gène » et « le Coq »... Ces hommes d'un autre temps, dont on a oublié le nom parfois mais dont les sobriquets surgissent du fond des mémoires...

Juste après le pont de Neuville, la halte bienvenue et méritée des bateliers dans les auberges.

Tous les radeliers ont aujourd'hui disparu. Mais dans les souvenirs des fils, neveux ou contemporains, ils sont restés très vivants. Nous devons cela aux longues veillées de l'époque au cours desquelles, dit un témoin, « deux sujets revenaient constamment : la guerre de 14 et les histoires de radeliers ». Nés « pour ainsi dire dans l'eau », ces hommes de la vallée, proches de la nature comme la plupart des habitants des campagnes, possédaient en plus une connaissance parfaite de la rivière. Grands pêcheurs à la main ou à la foëne, ils apportaient chaque jour truites et ombres sur la table familiale. Aux dires des femmes des marchands de bois, qui nourrissaient les équipes avant le départ, « il fallait mieux les charger que les emplir ! » De plus, passant la journée dans l'eau, ils ne s'estimaient satisfaits que l'estomac plein de vin ! Avec cela, durs à la peine, joyeux lurons et le cœur sur la main. Le caractère aventureux de leur profession développait un esprit d'entraide et de camaraderie. La « rigue » était soudée par le danger partagé mais aussi, passé le moment de l'effort, par le plaisir collectif des bombances qui clôturaient la plupart des descentes. Comparé à l'existence routinière des éleveurs et des tourneurs, le flottage pimentait la vie de ces rudes compagnons et, même s'ils restaient épisodiques, les voyages constituaient le plus sûr moyen de rompre la monotonie des jours. Ce dur métier exigeait des hommes une solide constitution. Une certaine sélection s'opérait  : tous étaient de grands gaillards. 

Mis à part le chef-radelier, qui traitait avec le négociant, la plupart des flotteurs étaient journaliers, ils recevaient six francs par descente en 1789, vingt francs en 1914. Il fallait donc avoir le sens de l'économie pour rapporter le quart de la somme après une remontée pédestre de quatre jours comportant les arrêts obligatoires dans les estaminets. Si certains, tels  Charles Bourbon de Vaux, rentraient pieds nus de Lyon pour ne pas user leurs chaussures qu'ils portaient sur l'épaule, reliées l'une à l'autre par des lacets de cuir, d'autres dépensaient allègrement leur salaire dans les lieux plus ou moins mal famés du quartier du Tonkin. Ces sorties derrière le parc de la Tête d'Or ne se terminaient pas toujours à l'avantage des radeliers. Le plus souvent ils rentraient meurtris de coups  et  « plumés » par les « cavalières » du coin ! Paillards sûrement, irrévérencieux sans doute, ils ne pouvaient pas être très religieux. Le curé de Jeurre  se plaignait d'eux en ces termes auprès de Mgr l'Evêque en écrivant, le 25 juin 1745  :  « Les marchands de bois ne  sont pas  assidus à la messe de la paroisse. Ils  choisissent ces Saints Jours pour aller, de paroisse en paroisse, faire des marchés de bois. Et quand leurs radeaux sont prêts et que l'eau est propre, ils partent pour Lyon, les jours les plus solennels »... Deux siècles plus tard, ils n'avaient guère changé. Les témoignages sont formels, l'équipage abandonnait tout pour partir : les récoltes sur le terrain,  les foins  coupés, la femme en couches, tout !  

Les radeliers d'aujourd'hui à Neuville. :)

Depuis la disparition des radeliers, quelques associations se préoccupent de revivifier les traditions du flottage en organisant des reconstitutions historiques. On peut citer, notamment, la Confrérie des radeliers de la Loue, dans le Jura, recréée en 1994, et l'Association des radeliers de la Durance, qui a organisé en mai 2002 une descente en radeaux de la Durance depuis l'Argentière jusqu'à Embrun.

SourcesLes radeliers de la vallée de la Bienne (Jura) par Roland Janot, 1985. 
La Vallée de l’Ain, 1989.

Quand l'Ain est en crue, sale temps pour les radeliers.





« Prenez garde, les mousses ! »
hèlent les radeliers d'un train de bois qui va flottant par le milieu du Rhône. - Et d'où vient le radeau, fainéants ? - De l'Isère. - Vous avez là un flottage fameux !  - Oui, pour vingt mille francs. - Bois de marine ? - C'est pour Toulon. Regardez quels troncs d'arbres ! Mais il fallait les voir, en haut de la montagne, lorsqu'ils bondissaient aux couloirs des pentes, avant que d'être reliés par les harts Nous avons des sapins, là, des hêtres, des rouvres, qui ont peut-être deux cents ans, sans trop dire... Cela vient du Vercors, des Terres-Froides et des futaies de la Grande-Chartreuse, du tonnerre de Dieu ! » « De belles pièces. Mais n'allez pas heurter contre les piles du Pont-Saint-Esprit ! » Il y en aurait pour tous, car il n'est pas dit que le pont ne saute. A la barre ! à la barre ! « Adieu, les Allobroges ! » « Adieu, les goinfres ! »

(Frédéric Mistral, Le poème du Rhône, 1909)

Ci-dessous, ajout du 05/09/2023 : Texte sur les radeliers par Philibert Neuville dans Au bord de l'Ain, 1910.

« La crue atteint parfois de grandes proportions ; mais ce fait est assez rare. À l’ordinaire, le cours de notre rivière ne s’enfle pas démesurément, et sans quitter son lit, sans déborder, il permet la descente des radeaux. On entend par radeaux des trains de bois, composés de sapins accolés et placés bout à bout, qu’une équipe de radeliers, partis de Dortan et du bassin supérieur de l’Ain, conduit à Lyon. Le chargement se complète de bateaux, de caisses d’emballages, de mousses, de fruits, et généralement de tous les produits manufacturés des pays de montagne : robinets, pipes et sifflets de St Claude, peignes d’Oyonnax, etc, etc... Il faut au métier de radelier une endurance peu commune et une connaissance éprouvée du cours de la rivière. Avec leurs radeaux, munis de deux gouvernails à l’avant et un à l’arrière, (ce sont d’énormes sapins qui servent de gouvernail, et que trois ou quatre hommes doivent manier,) il s’agit de manœuvrer pour flotter convenablement, passer les barrages, franchir le pertuis des écluses, éviter les arches des ponts, ne pas aggraver, utiliser les rapides et les courants pour la descente. C’est un coup d’œil, qui n’est pas banal, que celui de ces dix ou douze hommes, composant l’équipage, musculeux, agiles, manœuvrant avec ensemble, au commandement, dont les : “ Oh ! hisse ! ” cadencés se mêlent au fracas des grosses eaux contre les berges, tandis que le radeau file à belle allure. Le patron batelier est obéi avec la discipline, qui doit régner à tout bord, et ses indications, sans l’aide du porte-voix, sont comprises par ses hommes : du côté de l’empire c’est la rive droite, du côté du royaume c’est la rive gauche. Plusieurs générations de solides gars étaient rompues à ce trafic, et les hôtelleries, où ils faisaient relâche, s’égayaient de leurs joyeuses ripailles ; soit à l’aller lors de leurs atterrissages, soit au retour, qu’ils effectuaient à pied, depuis Lyon jusqu’à leur village, le gousset lesté d’un pécule bien gagné. On compte parmi eux de modestes héros, toujours prêts à affronter le danger ; habitués à le braver, devant se tirer d’affaire en mainte occasion fâcheuse, ils n’hésitent jamais à voler au secours de quiconque est en péril, et la liste serait longue de leurs actes de dévouement. Qu’il nous soit permis, en passant, de saluer la mémoire du père Richoux, qui vient de s’éteindre à un âge avancé en son cottage du pont de Chazey, vétéran légendaire de la navigation de l’Ain, dont la force physique proverbiale n’avait d’égale que l’affabilité de son grand cœur ; le nombre de sauvetages à son actif est presque incalculable. C’était le bon temps du roulage et des diligences, à qui les radeliers faisaient concurrence. Les routes, sillonnées en tous sens par des véhicules nombreux et variés, retentissaient des gais tintements des grelots et des claquements de fouet, dont rouliers et postillons jouaient avec maëstria. Le souvenir seul en reste dans nos bourgades, car avec nos chemins de fer, nos tramways, nos automobiles, ces diverses professions sont en rude décroissance. L’air pur de nos grandes routes n’est presque plus respirable, vicié par ces odeurs nauséabondes que les machines répandent sur leur passage, et la poussière qu’elles soulèvent dans un tourbillon de vitesse insensée. Quand encore elles se contentent de ne pas écrabouiller le paisible promeneur, que son devoir appelle à cheminer pédestrement, il doit s’estimer bien heureux. »



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