Le menhir de Pierrefiche ou la Quenouille de Fée (Simandre-sur-Suran, Ain)

 

Dressé en bordure d’un champ de maïs nommé aux Pierres fiches ou Pierres plantées, le menhir mesure 3,80 m de hauteur, environ 0,50 m d’épaisseur et 1,30 m dans sa plus grande largeur. La pierre serait enfoncée de plusieurs mètres dans le sol. 

Au départ, les pierres étaient au nombre de deux ou trois. Il y a eu des divergences de vues sur le fait de savoir si, avant la Révolution, il existait, au même endroit, deux ou trois de ces pierres plantées, également dénommées pierres levées, pierres fittes, ou pierres fiches. La chronique de Saint-Claude en cite deux. D'après l'étude de M. Tardy, il en aurait existé trois. Les pierres manquantes ont été renversées, brisées et enlevées, quelques années avant 1808. Elles étaient à une quinzaine de pas les unes des autres ; et toutes étaient absolument brutes, comme l'étaient initialement tous les menhirs, les dolmens, les portails druidiques. On a retrouvé au moulin de Tournesac (non loin du menhir, sur le Suran), deux tronçons de ces anciennes pierres. L'un servait de passerelle devant les pelles du moulin ; l'autre était noyé dans le sol, au pied de l'escalier extérieur du bâtiment d'habitation.


Mais il n'a pas existé à Simandre que ces trois pierres plantées. “Nous ne serions pas étonné, dit M. Tardy, que la pierre de Pelozan, grosse borne située entre deux champs ne soit aussi un menhir, ainsi qu'une autre borne située à l'entrée du village de Thiole ; mais on cite principalement deux pierres levées, à la Terre des Potences, sur lesquelles reposait encore, à la fin du XVIIIe siècle, une barre de bois qui servait aux exécutions. La tradition veut que ce soient les fourches patibulaires du Baron de Pierre. En cet endroit on a trouvé vers le milieu du XIXe siècle un certain nombre de squelettes qui avaient été inhumés avec une des jambes repliée sur l'autre. Il reste aussi le souvenir d'une autre pierre levée à la terre des Lunes, entre la forêt de la Rousse et la Rande, non loin du Château du Baron de Pierre. Disons que de ce château, il ne reste que quelques grosses pierres enfouies sous les feuilles et les broussailles. On peut encore reconnaître la trace d'un bâtiment carré avec des tours rondes aux quatre coins ; mais ni l'histoire ni la tradition ne savent quelque chose sur cette bâtisse et sur le baron”. Toutes les pierres citées par M. Tardy sont orientées de la même façon : leur petite face surplombe au Nord et leur grande face au Sud-Est et elles portent toutes un petit creux au sommet. Il y a peut-être là mieux qu'une coïncidence, peut-être y a-t-il les restes d'un alignement ?

Rien ne permet d’affirmer la datation du menhir de Simandre, mais sa forme le rapproche d’exemplaires bourguignons datés du Néolithique moyen (4200 à 3600 ans avant Jésus-Christ). On a trouvé à son pied une hachette gauloise en pierre de jade, témoignage de la plus haute origine. M. Mortillet a recueilli, au milieu d'innombrables débris de calcaire, un grattoir en silex. Si, pour certains archéologues, le menhir atteste la présence de l'homme de l'âge de la pierre polie, il a pu être considéré, par d'autres, comme un monument gaulois, gallo-romain, ou même du premier millénaire de notre ère. Guigue place l'érection probable de ces menhirs vers la fin de l'époque du bronze. Dunod les regarde comme d'anciennes limites du royaume de Charles, fils de Lothaire 1er. On a vu aussi en eux, des bornes de démarcation entre les royaumes d'Arles et de Bourgogne. M. Chevrier, pense que la pierre levée de Simandre « marque la limite entre les campagnes où les femmes portent le bonnet comtois, et celles où elles portent le bonnet des cavettes ». (Cavet, Cavette, sobriquet donné autrefois aux gens du Revermont qui allaient se louer pour la vendange en Beaujolais). Simandre, en effet, se trouvait à la limite de la Franche-Comté ; le village voisin de Chavannes faisait partie de cette dernière province. M. Roux, entre autres considérations, émet l'hypothèse que ces pierres ont pu servir de poteaux frontières entre les Ambarres et les Séquanes, peuples de la Gaule, établis dans le département. L'opinion générale est que ces monuments appartiennent à l'antiquité la plus reculée et sont antérieurs au temps où, chez nous, on commença à faire usage des métaux.


Devons-nous voir, dans ces vestiges du passé, des monuments religieux, funéraires, commémoratifs ? Servaient-ils de limites, d'indicateurs de direction ? Existe-t-il une relation entre ces monuments et le culte des eaux, en honneur à l'époque néolithique, et même pendant la période gallo-romaine ? Ont-ils été édifiés suivant certaines règles, au croisement de sources souterraines, comme l'expose M.Diot dans son ouvrage « Les Sourciers et les Monuments mégalithiques » ? On ne peut faire que des conjectures. 

Le menhir de Simandre a été classé monument historique le 6 mars 1888, sur l'initiative de M. Tardy et de la Société d'Emulation de l'Ain. C'est le plus ancien monument classé au titre de monument historique dans le département de l’Ain. 

Le terme « menhir » apparaît au 18e siècle, construit à partir du breton maen = pierre et hir = longue. Il s’agit d’une pierre dressée, plantée verticalement dans le sol. Les menhirs se rencontrent de façon générale un peu partout en Afrique, Asie et Europe, mais c'est en Europe de l’ouest qu'ils sont le plus répandus. Ils peuvent être implantés de façon isolée ou en alignement, et plus rarement en cercle. La pierre peut être taillée ou avoir été plantée telle quelle, plus ou moins brute. Tous ces monuments sont investis d’une forte valeur symbolique et ont été à l’origine de nombreux cultes et légendes.


A l’époque, la population de Simandre désignait la pierre qui reste encore debout sous le nom de Quenouille de la Fau, c'est-à-dire de la Fée, et elle se figurait qu'une belle dame, d'une taille et d'une force extraordinaires, avait planté là ces blocs de rocher, aussi aisément qu'une autre femme y aurait planté sa quenouille de roseau. Une autre version rapporte que trois fées allant à la veillée, de Banchin à Thioles, plantèrent leurs quenouilles qui devinrent trois pierres fittes.

Le menhir est devenu un lieu de croyance populaire liée à la fécondité : les époux désireux d'avoir un enfant venaient se frictionner sur la pierre et des pèlerins la creusaient pour en avaler la poussière.

Le mégalithe est une propriété privée mais reste facilement visible depuis un sentier de randonnée. Il est situé le long de l'ancienne voie romaine de la vallée du Suran, au hameau de Thioles, Route de Chavannes, 01250 Simandre-sur-Suran. Coordonnées GPS : 46° 13′ 57″ N, 5° 25′ 18″ E

Sources : Désiré Monnier, Croyances et traditions populaires recueillies dans la Franche-Comté, le Lyonnais, la Bresse, et le Bugey, 1874 / Annales de la Société d'émulation, agriculture, lettres et arts de l'Ain, 1939 / Bulletin de la Société des naturalistes et des archéologues de l'Ain, 1925 / Patrimoines de l'Ain.



Dessin de M. Huteau tiré du Bulletin de la Société de géographie de l'Ain, 1892.




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