Une passerelle pour les vendangeurs de Ceyzériat, Ain (1874)

 

En 1866, Ceyzériat comptait près de 300 hectares de vignobles qui s’étalaient du village jusqu’au pied des roches de Cuiron. Les vins produits sous l’appellation « vins du Bugey » étaient très réputés, servis sur les meilleures tables. 

En 1867, les frères Mangini (Lucien et Félix), directeurs de la Compagnie des Dombes et des chemins de fer du Sud-Est (Cie DSE), obtiennent par décret impérial du 30 mars 1867, l’autorisation de construire une ligne de chemin de fer reliant Bourg-en-Bresse à La Cluse. Cette voie deviendra la “ligne du Haut-Bugey” ou “ligne des Carpates”.

En 1870 les travaux atteignent les bois communaux de Ceyzériat. Mais la nouvelle voie ferrée coupe la route desservant les bois de Tréconnas, ainsi que les vignes, au grand dam des vignerons de l’époque. La commune réclame alors à la Compagnie des Dombes un passage à niveau pour piétons afin de permettre l’accès aux vignes. La Compagnie refuse. A titre de compensation, les vignerons obtiennent une passerelle en 1874, pour permettre l’exploitation de leurs parcelles. Ce qui n'est pas du goût de tous, puisque la passerelle comprend des escaliers abrupts qui ne permettent pas le passage des chariots. La colère gronde au conseil municipal et chez les vignerons. Le Maire de la commune, Hyppolyte Jayr, adresse un courrier à l’Ingénieur des Ponts et Chaussées de l’Ain : “Il y aura lieu de regretter le consentement et l’autorisation donnés à un ouvrage qui ne sera absolument d’aucun usage et dont la dépense aura été en pure perte. Jamais, en effet, un homme chargé (la bringue ou hotte de vendange pèse jusqu’à 100 kilos) ne s’aventurera dans un escalier presque droit comme une échelle de 24 marches lesquelles ont 0,18 mètre de hauteur, mais, en revanche, en ont 0.25 mètre seulement de foulée, à peine la place pour poser le pied.” Il termine en demandant de “suspendre immédiatement les travaux commencés”. S’ensuivent de nombreux échanges épistolaires qui s’enveniment et la passerelle du Perron, dite “passerelle des vendangeurs” est construite telle que nous la connaissons aujourd’hui. La pierre de Drom a été utilisée pour sa construction car c’est un calcaire froid et très dur. 

Cet ouvrage muni d’une arche de 9,75 mètres a vu passer de nombreux trains mais n’a jamais senti les pieds des vignerons fouler ses marches ! Ceux-ci préféraient traverser les rails à leurs risques et périls pour accéder aux vignes. La passerelle est restée en l’état, impraticable pour les viticulteurs, mais adorée des promeneurs, des enfants et des photographes ! 

Dans les années 1990, la Suisse souhaite réduire le temps de parcours entre Genève et Paris. La ligne des Carpates doit donc être modernisée pour que puisse y passer un TGV. Le projet de rénovation de la voie ferrée par le Réseau Ferré de France (RFF) condamne alors l’existence de la passerelle puisqu’il nécessite la correction des pentes et l’électrification de la ligne. La commune de Ceyzériat, désireuse de conserver cet élément du patrimoine Revermontois, a donc négocié auprès de RFF qui a finalement accepté la prise en charge de son déplacement. 

Son désassemblage a été effectué de mi-septembre à mi-octobre 2008, après un sablage lui permettant de retrouver sa teinte initiale, un calepinage (numérotation de chaque pierre afin de les replacer lors de la reconstruction, à l’endroit précis qu’elles occupaient), et l’installation, sous la voûte, d’un vau en bois circulaire. 

Dès la fin octobre 2008, la “passerelle des vendangeurs” fut reconstruite au-dessus du chemin des côtes, au bas du chemin de la Peyrouse. Cet endroit est symbolique : la passerelle surplombe désormais le dernier vignoble subsistant à flanc de côteau, en souvenir de sa fonction première, avant que l’épidémie de phylloxéra ne ravage la quasi-totalité des vignobles à partir de 1880. Vidéo sur la déconstruction / Vidéo sur la reconstruction.


Sources : Infos trouvées sur le panneau touristique situé à côté de la passerelle. Il ne mentionne pas toutefois que celle-ci fut l’objet de nombreuses polémiques et qu’elle n’a jamais été utilisée par les viticulteurs. Ce sont pourtant des informations capitales ! Je remercie donc le blog du Mont-July (hameau de Ceyzériat) pour la multitude d’informations historiques qu’il contient.  

Pour se rendre à la passerelle : A Ceyzériat, prendre la route qui mène à Mont-July (derrière la Poste), traverser le hameau et continuer jusqu’au chemin de la Peyrouse. Un peu plus loin, sur la même route (qui mène à Jasseron), vous passerez devant l'observatoire Pierre Jonnard, puis vous pourrez faire une halte à la chapelle Notre-Dame des Conches (table d’orientation, points de vue sur la Bresse et le Jura, barbecue, sentiers de randonnées). De retour à Ceyzériat, ne manquez pas d'aller voir la cascade de la Vallière et la grotte des Compagnons de Jéhu immortalisée par Alexandre Dumas. (sur le même site en longeant le chemin après la cascade). 





L'observatoire Pierre Jonnard.

Notre-Dame des Conches.



L'intérieur du presbytère, sa table de pique-nique et son street-art.





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