Zoom sur les femmes de l'hôtel Jean Bret, héroïnes oubliées (Echallon, Ain)

 


En 1925, à l'hôtel Jean Bret, on organise des soirées musicales afin de récolter de l'argent pour l'hôpital. 
En 1936, à l'hôtel Bret, on fête la victoire du Front Populaire.
Dans les années 40, l'hôtel est tenu par Elise Bret, par sa sœur, veuve Marie Guercet, née Bret, et par sa nièce Yvonne Guercet. Après l'armistice de Pétain en 1940, l'hôtel devient le refuge de soldats permissionnaires de la zone nord occupée par les allemands.
Fin 1942, les trois femmes sont les premières personnes de la région à prendre la responsabilité d'héberger les réfractaires de la déportation en Allemagne. Puis arrivent les premiers maquis, et on voit à l'hôtel, de paisibles clients tenir des conciliabules : ce sont des résistants.
Fin 1943, l'hôtel Bret devient un centre d'accueil clandestin pour maquisards.
Le 14 juillet 1944, les allemands envahissent le village et terrorisent la population. Les trois femmes évacuent les hommes blessés pour les mettre en lieu sûr puis apportent du ravitaillement aux maquisards cachés dans la forêt.
En novembre 1944, le conseil municipal de la commune d'Echallon est dissous. C'est le comité local de libération d'Echallon, dont fait partie Yvonne Guercet, qui est chargé, à titre provisoire d'exercer les fonctions du Conseil municipal, jusqu'à la constitution d'un nouveau bureau. 
Le 14 juillet 1945, Yvonne Guercet reçoit la Médaille de la Résistance.
En juin 1947, Elise Bret et Marie Guercet reçoivent la Médaille de la Reconnaissance Française.
Marie Guercet, "Madame Marie", comme on l'appelait avec respect, décède en 1949, à l'âge de 76 ans. Une foule immense se presse à ses funérailles, composée de parents, amis, enfants de la commune, anciens résistants et même du Conseil Municipal. Le Maire, M. Tournier-Colleta, retraçe en quelques phrases la vie exemplaire de celle qui apporta aide, secours et encouragements aux Maquisards, Francs-Tireurs, et soldats clandestins, sans jamais en chercher la récompense. Les nombreux témoignages de sympathie et de reconnaissance prouvent que les anciens protégés des trois hôtesses n'ont pas oublié le havre de quiétude qu'ils ont trouvé à l'hôtel Bret durant les jours difficiles. 
Aujourd'hui, l'hôtel Bret est abandonné, mais la plaque sur laquelle est inscrit "Place de la Résistance", rappelle combien ce lieu est chargé d'histoire.

Sources : L'Eclaireur de l'Ain, 1945 et 1947.  C'est vraiment désolant de trouver aussi peu d'informations sur ces femmes ! 😡 Merci encore une fois à l'Eclaireur de l'Ain, source précieuse ! 



Le premier Hôtel Bret, août 2021.

En 1945, l'hôtel était modeste, discret et déjà rustique. C'est vraisemblablement pour le moderniser qu'il fut agrandi dans les années 60. Ce nouvel hôtel n'a connu ni la guerre, ni la résistance, mais il a reçu de nombreux vacanciers désireux de goûter l'air pur de la montagne. Le premier hôtel est collé à l'arrière de l'imposant nouveau bâtiment. On le voit très bien sur la photo 2 ci-dessous. 




Le second hôtel Bret, août 2021.

Témoignage :

A 9 heures - Lundi de Pâques - Échallon par Urbain Colletta (Lycée Lalande)
"Avant veille de mes 20 ans.
Le hameau du Crêt à Échallon est cerné par les troupes ennemies, impossible de s’enfuir.
Toutes les maisons sont fouillées, deux miliciens sous uniforme allemand m'interrogent pendant la fouille de notre maison par d'autres soldats. Je leur présente ma carte d'identité et mon autorisation de sortie du lycée.
- Y a t-il des maquis par ici ?
- Non, je n’en ai jamais vu.
- Et (ils prêchent le faux pour connaître le vrai) le jeune qui est ici un peu plus loin, le connaissez-vous ?
- Non, je connais le fils de l’instituteur qui est avec moi au lycée.
- Vous savez, il faut nous dire la vérité sinon on vous fusille.
J'avoue que je n'ai pas eu peur du tout, mais lorsque j'ai appris le soir que le cantonnier d'Échallon avait été abattu et qu`un réfractaire au S.T.O. avait été fusillé à Belleydoux, j’ai eu une frayeur rétrospective.
On m'amène sur la place du hameau, aujourd'hui Place de la Résistance, où dans le grenier de l’hôtel tenu par trois grandes résistantes, sont entreposés des cartons d'exemplaires du journal "Bir Hakeim".
Je dois attendre là, sous la garde d'un soldat allemand, ou peut être autrichien, mitraillette sous le bras. Mon père, témoin, assiste à la scène en faisant mine de graisser les axes de roues d’un char.
Les deux miliciens s'éloignent puis disparaissent.
Mon gardien, par pitié peut-être devant ce gamin de 20 ans que je suis et connaissant sûrement ma destination me fait discrètement signe de partir. Je rentre à la maison en attendant le départ de ces indésirables.
Deux soldats sont encore là. Le premier demande à ma mère de lui vendre des œufs. Elle s'exécute et lui fixe le prix. Il les trouve trop chers et s'exclame "soldat allemand, cinq ans de guerre". Je ne me souviens plus s'il les a payés. Le second, ramoneur dans le civil, réclame de la soupe. Il n'aura pas le temps de terminer ce « repas », interrompu par un coup de sifflet annonçant le rassemblement en vue du départ.
Nous sommes enfin débarrassés, la troupe regagne à travers prés la route de la vallée de la Semine pour rejoindre Belleydoux. Elle passe à 300 mètres du hameau, devant une ferme isolée où Marcel Joux, réfractaire au S.T.O. est venu se cacher après avoir quitté sa maison natale, située à 2 kilomètres. II est emmené sans ménagement et son cadavre sera retrouvé quinze jours plus tard dans la forêt, le long de la route de Belleydoux - Oyonnax.
Une stèle commémore cette disparition et si mon nom n'y est pas inscrit, c'est que j’ai eu beaucoup de chance. Je le dois à ce soldat allemand ou autrichien compatissant, qui connaissait notre destination (les camps de la mort).
Deuxième chance : J'ai retrouvé quelques jours après, dans la poche de la veste de mon père que j'avais revêtue ce jour là, une feuille de "La Voix du Maquis". Si j'avais été fouillé, j’étais perdu."
Source du témoignage : Resistance Ain- Jura.



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