L'aqueduc souterrain de Briord (01)


Entrée sud.

Admirablement situé sur les bords du Rhône et adossé à la montagne, Briord, Brivortium, Briortium, Brivardiurn, Briordium, a dû jouer, dans les premiers siècles de l'ère chrétienne, un certain rôle et avoir une importance relativement considérable. Cette importance ressort des débris trouvés sur tout le territoire de cette ville, des monnaies et des inscriptions nombreuses découvertes durant de longues années et du tunnel-aqueduc que les Romains ont creusé dans la montagne qui sépare Briord de Montagnieu. Désireux de conserver à l'eau sa fraîcheur naturelle, ils ont établi des conduites souterraines aussi souvent qu'ils l'ont pu. Cette galerie traverse la colline de Saint-Didier (ou Briarette), orientée Nord-Sud. Mentionnée pour la première fois par Samuel Guichenon en 1650, c'est seulement en 1853 qu'Alexandre Sirand, à la demande de Durochat, entreprend des travaux de désobstruction sur le versant Sud-Ouest de la colline. En explorant le tunnel, il découvre gravés dans la paroi, tracés au charbon, à la craie rouge ou encore à la flamme d'une lampe, quelques noms parfois accompagnés de dates, traces de visites antérieures : Prieur Delisle, Pingon 1550, Perret, Duchastre, Cointet 1552. Alexandre Sirand publie son exploration dans une revue culturelle de l'Ain puis le site retourne à l'abandon.



En 1900, la galerie, dont les ouvertures sont encombrées de débris de terre et de roches, est en partie dégagée par le curé de Briord, l’abbé Jacquand, qui organise une visite pour les abbés Marchand et Morgon le 13 août 1900 : dans un premier temps à l’entrée du côté Briord, sur une vingtaine de mètres, puis à l’autre extrémité du côté de la Brivaz. Les traits de burin des mineurs du tunnel sont visibles sur les parois, et leur oblicité différente selon les entrées indique que deux équipes ont entamé le creusement à chaque extrémité. Elles ont dévié avant d’atteindre leur point de rencontre, ce qui forme donc un coude. Les visiteurs hésitent sur l’explication de cet écart, soit une déviation involontaire, soit une sinuosité ménagée pour casser la force du courant, hypothèse défendue par Adrien Blanchet. L'abbé Morgon, impressionné par cette visite écrira : « Nous souhaitons bien vivement que quelques personnes influentes obtiennent de l'Etat une subvention qui permettra de déblayer complètement ce tunnel, d'enlever les masses de matériaux accumulés pendant de longs siècles et de montrer à nos générations contemporaines ainsi qu'aux générations futures les travaux gigantesques exécutés par les Romains 20 ou 22 siècles avant elles. » Abbé, tu ne le  sais pas, mais c'est chose faite ! Que cela te réjouisse, là où tu te trouves. 😊

 

L'aqueduc fut classé aux monuments historiques le 8 août 1904. En 1905, des subventions pour terminer le dégagement du tunnel sont accordées par le ministère des Beaux-Arts (1 500 francs), le Conseil général de l'Ain et la société d'émulation de l'Ain (pour 200 francs chacun). En 1906 grâce aux financements, M. Chevelu entame les travaux de déblaiement. En 2019, un collectif de géomètres entreprend de modéliser numériquement l'aqueduc.


L'aqueduc captait l'eau de source de la Brivaz à Montagnieu, traversait la colline de Briarette pour aboutir au niveau de l'établissement romain du vicus Brioratensis à Briord. À leur sortie du souterrain, les eaux devaient être reçues dans un bassin, caslellum, à grand diamètre, d'où elles étaient distribuées à Briord, par des conduites en plomb ou en terre cuite, se ramifiant selon la mesure des besoins. [Les Romains construisaient au point d'arrivée, près des murs de la ville, un bassin, et, devant le bassin, trois réservoirs. L'un envoyait l'eau dans les bains publics, l'autre dans les maisons particulières, et le troisième, celui du milieu, aux lavoirs et aux fontaines.] 

Seule la partie souterraine, sous la colline, est connue. D'une longueur de 197 mètres, le tunnel est taillé dans la roche (peut être sous le règne de Marc Aurèle 121-180 après J-C) et servait donc de conduite, mais aussi comme réserve d’eau d’une capacité de 650 à 700 m3. On découvre à l'intérieur de nombreuses traces de calcite sur les parois, marquant les différents niveaux d'eau stagnante de l'époque. Les suintements d'eau carbonatée ont produit des stalactites et des stalagmites et ont formé contre les parois et la voute des effets merveilleux de tenture.



Visage

Le dénivelé important entre l'entrée sud-ouest de la galerie et la plaine alluviale de Briord crée une chute d'une trentaine de mètres, constituant une pression énorme, bien suffisante pour approvisionner les fontaines jaillissantes, les édifices les plus élevés de la ville et les maisons de plaisance étagées sur les bas coteaux voisins. La distribution des eaux aux particuliers se faisait à domicile, contre une redevance payée aux receveurs d'impôts pour l'entretien des aqueducs et la pose de la conduite était à leur charge.



À son autre extrémité se trouve le site archéologique des Plantées, exposant les ruines des fondations de l'église autrefois dressée à cet emplacement et qui fut l'une des premières églises rurales de la région. Elle a été construite entre 450 et 500, dans un mortier de mauvaise qualité et sur un ancien cimetière gallo-romain où une multitude de rites funéraires se côtoyaient. 

Une partie des fondations de l'église aux Plantées.

Sortie (Nord-est)

Entrée nord-est à demi obstruée du tunnel-aqueduc avant 1905, du côté de la vallée de la Brivaz.
Source : 
Annales de la Société d'émulation, agriculture, lettres et arts de l'Ain, 1905.

Pour se rendre à l'aqueduc, ce n'est pas compliqué, mais une petite explication s'impose car l'habitude dans l'Ain est d'oublier un peu trop souvent d'installer des panneaux indicateurs ! [Je n'ai jamais pu par exemple terminer le sentier des hommes forts à Villebois car c'est un vrai labyrinthe de chemins qui partent dans tous les sens et, comme d'hab, aucun panneau n'indique lequel prendre ! Donc conseil si vous voulez faire cette chouette balade : photographiez le plan situé à l'entrée ! Ce que je n'ai pas fait, pensant suivre les panneaux indicateurs...] Pour l'aqueduc donc, entrez dans votre GPS Aqueduc souterrain de Briord. Arrivés à destination, garez-vous sur le petit parking situé à côté du site archéologique des Plantées. Prendre le chemin indiqué par le panneau ci-dessus, marcher 150 mètres et ne pas faire comme moi, à savoir continuer tout droit alors qu'il faut prendre le 1er petit sentier situé sur la gauche ! Et qui n'est pas indiqué ! 😡 L'entrée du tunnel se trouve à environ 50 mètres. N'oubliez pas vos lampes de poche car il fait noir comme dans un four. 
Une balade idéale par grosse chaleur car le tunnel est délicieusement frais.
Ouvert toute l'année. Gratuit.

Sources :
Bulletin de la Société des sciences naturelles & d'archéologie de l'Ain, 1905 et 1910.
Wikipedia
Panneau explicatif à l'entrée du tunnel. 


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