La petite histoire des restaurants Courtepaille + celui de Bourg (01) à l'abandon


Le premier restaurant Courte Paille à Rouvray en 1961.

L’aventure des restaurants Courtepaille est née en 1961 à Rouvray (Côte-d'Or), au sud d'Avallon, sur une idée de Jean Loisier (né le 25 juillet 1927), fils d'une restauratrice et d’un garagiste.  

La famille Loisier

Années 30
Rouvray, situé entre Avallon et Saulieu, se trouve sur l'axe majeur Paris-Lyon-Méditerranée. Il n'y a pas d'autoroute et le village est traversé par de nombreuses voitures, camions et autocars. La vie de la ville est rythmée par le trafic de la RN6. C'est à partir de cette réalité que les parents de Jean Loisier choisissent de créer leur activité avant la Seconde Guerre mondiale. Les voitures étaient moins fiables qu'aujourd'hui et les pannes pouvaient amener les automobilistes à faire une escale forcée à Rouvray. Le père de Jean profite de cette opportunité pour ouvrir un garage en 1935. Sa mère, de son côté, ouvre un salon de thé en 1936 afin d'accueillir les femmes des conducteurs en panne. La maligne ! 

Mais le thé et les petits gâteaux ne rassasient pas vraiment les familles affamées et fatiguées par la route. Mme Loisier, qui à de la suite dans les idées, décide de transformer son salon de thé en restaurant disposant de quelques chambres. Le bâtiment, situé à l'angle de la rue de la Gare, se nomme désormais « Le Vieux Morvan » et comporte une tourelle pour être facilement identifiable de loin. Très prisé, son restaurant obtient rapidement 1 étoile au guide Michelin.

Années 60
C'est avec sa mère que Jean Loisier découvre l'univers professionnel qui va devenir le sien. Il travaille avec elle au Vieux Morvan et l'entreprise prospère. Mais les temps changent et Jean constate que les clients, bien qu'ils soient satisfaits des prestations offertes par le restaurant, se plaignent souvent de la durée du repas. Les automobilistes pressés sont finalement assez indifférents à la nourriture qui leur est servie sur leur parcours. C'est ainsi que l'idée de ce qui va devenir Courtepaille germe dans l'esprit de Jean, révélant un véritable état d'esprit entrepreneurial à l'échelle artisanale. 

Jean Loisier en 1965 devant la grande cheminée où l'on grille les viandes.

Jusque là, c’est le réseau de restaurants « Les Routiers » qui se fait remarquer sur les routes de France. Même les riches Britanniques s'y rendent. Attaché à ses racines morvandelles, Jean Loisier veut absolument que son restaurant, qui sera situé au carrefour de la RN6 et de la route menant au centre-bourg, ait un toit de chaume. Pour le reste, il n'est pas fixé. Il rencontre un architecte spécialiste du béton armé qui souhaite un bâtiment rond, identifiable, mais sans toit de chaume. Jean ne veut pas de bâtiment rond. Tous deux expriment leur vision des choses et arrivent à un accord : le bâtiment sera rond avec un toit conique en chaume et une grande cheminée. La cuisine sera simple : de la viande grillée préparée dans la cheminée, directement devant les clients. En ce qui concerne le nom, Jean décide de prendre l’avis de plusieurs personnes de son entourage. Une quarantaine de dénominations sont proposées. Le choix est si difficile que Jean se dit qu’il va finir par tirer le nom à la courte paille ! Et c’est aussi simplement qu’il décide de rester sur cette réflexion. Son restaurant s’appellera « Courte-Paille ». 

Les premiers jours d’ouverture sont difficiles. Les clients sont rares, le parking est quasiment vide. Jean pense que son élégant petit bâtiment effraie les clients potentiels qui doivent imaginer, vu le cadre, que les prestations sont chères. Il réfléchit, puis il trouve une parade. Il va trouver un ami garagiste et lui demande de remplir son parking avec des véhicules (la plupart d’entre eux n'ont pas de moteur !) Le « décor » fonctionne, en un à deux mois l'activité décolle enfin.

Avec sa forme ronde et accueillante ainsi que son toit de chaume, Courte-Paille se distingue par son architecture unique qui attire l'attention. À l'intérieur, les nouveautés créent la surprise. Le décor est chaleureux et clairement terroir. Il n’y a pas vraiment de cuisine puisqu'on ne cuit qu'un seul produit (les frites) et qu'on en fabrique un seul : la fameuse tarte aux pommes faite maison. Toutes les viandes sont grillées dans la cheminée sous les yeux des clients. La carte est composée de 14 références, incluant 7 fromages et desserts, et met l'accent sur la rapidité, la simplicité et l'authenticité, avec une attention particulière sur l'économie (la salade est offerte). En moins d'un an, le succès est au rendez-vous et le nombre de repas est multiplié par 12. Ce restaurant de 60 à 65 places, sans cuisiniers et avec une carte minimaliste affiche régulièrement complet. 

Ce concept novateur permet à Courte-Paille (aujourd’hui en un seul mot) de construire sa réputation et de se développer. En 1962, un deuxième établissement ouvre à Cussy-les-Forges (Yonne), le troisième en 1964 à Pouilly-en-Auxois (Côte-d'Or), puis direction Bourg-en-Bresse (Ain), Chamonix (Haute-Savoie), Orléans, Chartres, Reims, Béthune… Avec l’aide de sa femme Arlette, Jean Loisier ouvre ainsi en filiale ou en franchise un total de 17 restaurants.

Cussy-les-Forges (Yonne), 1962.

En 1975, Jean décide de se lancer dans une nouvelle aventure (les restaurants « La Paysanne » à Paris) et vend sa chaîne de Courtepaille à Novotel qui multiplie encore les ouvertures. L’enseigne connaît ensuite plusieurs changements d'investisseurs au cours des années. 

Pour le journaliste de Slate, Jean-Laurent Cassely, Courtepaille est « pionnier du modèle tout-voiture avec ses restaurants implantés dès 1962 sur le bord des routes des vacances ». Les restaurants ont été conçus pour être facilement identifiables et dupliqués, avec un décor basé sur des matériaux naturels, une chaleur dégagée par la cheminée centrale et les clients accueillis par le « maître de maison ».

Courtepaille fait ses premiers pas à l'étranger en mai 2008 : la chaîne ouvre un restaurant en Pologne, au cœur de Varsovie. Situé dans un centre commercial, l'établissement dispose de 140 places assises et d’une terrasse. L’enseigne est également implantée en outre-mer avec deux restaurants à La Réunion : Courtepaille Sainte-Marie dans le Nord et Courtepaille Saint-Pierre dans le Sud.

Dans les années 2000, Courtepaille rencontre de nombreuses difficultés, notamment face à la concurrence de l'enseigne Buffalo Grill.

Carte Courte-Paille, 1970s.
Avec l'emblématique andouillette grillée (6 francs seule, 8,50 Fr garnie, soit 1,28 et 1,82 €). La côte de bœuf pour deux est le plat le plus cher de la carte : 35 Fr, soit 7,48 €...

Les restaurants Courtepaille ont longtemps été populaires auprès des vacanciers sur l'autoroute du soleil. Mais en raison des mesures de confinement mises en place pour faire face à la pandémie de COVID-19, l'enseigne française a été gravement touchée. Après onze semaines de confinement, Courtepaille, qui comptait 300 établissements, a déposé le bilan en juillet 2020 avant d'être placée en redressement judiciaire. En septembre 2020, Courtepaille est racheté par son concurrent Buffalo Grill qui conserve 145 restaurants de l'enseigne ainsi que 92 en franchise. Le plan d'investissement de 100 millions d'euros sur cinq ans comprend principalement des rénovations d'établissements, mais qui doivent être autofinancées par l'enseigne. D'autres options sont également envisagées pour le développement de Courtepaille, comme les repas à emporter, la création de dark kitchens pour livrer les centre-villes ou la réduction de la carte aux fondamentaux de la marque.

Le restaurant historique de l'Yonne ouvert en 1962, à la sortie de Cussy-les-Forges, n'a jamais rouvert ses portes après le premier confinement de 2020. Une quarantaine d'établissements ferment définitivement durant la même période, dont celui de Bourg-en-Bresse.

Sources
Wikipedia
Magazine L'Hôtellerie Restauration n° 2949 du 3 novembre 2005.

Le Courtepaille de Bourg-en-Bresse en janvier 2023

Qu'adviendra-t-il des 40 Courtepaille qui ont définitivement fermé leur porte en 2020 ? Près de Dinard, un ancien Courtepaille a été racheté par un restaurateur pour y créer « L’Ami », un restaurant qui a gardé l’architecture, la cheminée et les principes de Courtepaille en y apportant une cuisine maison et des produits de qualité. Un autre Courtepaille a été transformé en salle de réception. Que deviendra celui de Bourg-en-Bresse qui est l’un des 17 Courtepaille ouvert par Jean Loisier dans les années 60 ? Vandalisé très récemment et ouvert aux quatre vents, il risque fort de disparaître petit à petit du paysage péri-urbain. C’est dommage, l’intérieur est fort sympathique ! 

























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