L’agonie des quincailleries

 

Villeurbanne, Rhône.

Quincaille, ça rime avec racaille. Pas besoin de citer nos deux racailles du jour. (C'était lors du résultat du 1er tour des dernières présidentielles.)
On prend les mêmes et on recommence... 
Les mêmes promesses, les mêmes mensonges
Les mêmes tapent dans la caisses, les mêmes plongent
Les mêmes sont dans la hess, les mêmes mangent
Racailles ! Les mêmes menteurs trafiquent les mêmes comptes
Les mêmes commis au service des mêmes pontes
Les mêmes fils de pauvres sont incarcérés
Les mêmes fils de riches sont formés pour régner
En attendant qu'un homme du peuple émerge
C'est rare de trouver un élu avec un casier vierge.
- Racailles par Kery James


La quincaillerie, c'est l'école de la vie. On y trouve toutes les réponses aux problèmes que l'on rencontre chez soi.

Lyon Croix-Rousse

J'entre dans la quincaillerie comme une folle. Je cherche des clous, des vis, des marteaux, tout ce qu'il faut pour réparer ma baraque qui tombe en ruine. Je bouscule les clients, je renverse les étagères, je fais un boucan d'enfer. Le patron me regarde avec des yeux de hibou. Il me dit :
- Qu'est-ce que vous voulez madame ?
- Je veux tout ! Tout ce que vous avez ! C'est pour ma maison, elle est toute pourrie, il faut que je la retape !
- Mais calmez-vous, madame ! Vous n'avez pas besoin de tout ça ! Choisissez ce qu'il vous faut, et payez à la caisse !
- Non, non, non ! Je ne veux pas choisir ! Je veux tout emporter ! C'est ma vie qui est en jeu ! Ma maison, c'est ma vie !
Je saisis un sac de ciment, je le jette sur mon épaule. Je prends une scie, une perceuse, une pince. Je cours vers la sortie. Le patron me poursuit en hurlant :
- Arrêtez-la ! Arrêtez-la ! Elle vole ma marchandise ! Au voleur ! Au voleur !
Je sors dans la rue. Les gens s'écartent sur mon passage. Je vois ma voiture garée pas loin. Je l'ouvre à la volée. Je jette tout ce que je peux dedans. Je démarre en trombe. Le patron arrive sur le trottoir. Il me lance une boîte de clous. Elle rebondit sur le pare-brise. Je lui fais un bras d'honneur. Je disparais au coin de la rue.
Je suis contente. J'ai tout ce qu'il me faut pour sauver ma maison. Je vais pouvoir lui redonner une jeunesse. Je vais pouvoir y vivre heureuse.
Je roule à toute allure. Je ne fais pas attention aux feux rouges, aux panneaux, aux piétons. Je fonce vers ma demeure.
Je ne vois pas le camion qui arrive en face.
Je n'entends pas le klaxon.
Je ne sens pas le choc.
Je ne sais pas que je suis morte.

Virieu-le-Grand, Ain.

Une quincaillerie, c’est comme une boîte à outils géante : on y trouve toujours ce dont on a besoin, et parfois même ce dont on ne se doutait pas.


L'école lui trouva un stage chez Pascal Payen, dit PP, garagiste multimarques à Long, où il découvrira un jour un livre de poésie et un métier passionnant qui fait les doigts gras et noirs, fait dire aux dames en panne qu'il dépanne : tu es un génie mon chou, et beau gars avec ça, et aux messieurs en panne qu'il dépanne : plus vite mon garçon, j'ai pas que ça à foutre !
- Grégoire Delacourt, La première chose qu'on regarde, 2013.

Bourg-en-Bresse, Ain.

Un monsieur qui semblait avoir un petit coup dans le nez est venu me demander pourquoi je prenais la quincaillerie ci-dessus. Habituellement j'explique, là j'ai estimé qu'il valait mieux faire simple. Alors j'ai répondu du tac au tac : parce que c'est beau. Figurez-vous que même carpette, il m'a regardée avec une sidération que même le plus grand acteur de tous les temps ne saurait reproduire  ! 😅

Cuisery, Saône-et-Loire.

La dénomination « droguerie » et son équivalent anglais « drugstore » sont dérivés du mot néerlandais « droguerij », qui signifie « sécherie » et fait référence aux herbes médicinales séchées. En France, au XVIIIe siècle, les drogueries étaient des magasins spécialisés dans la vente d'épices, d'herbes sèches, de préparations végétales comme des teintures, ainsi que des produits d'hygiène tels que le savon et la lessive. Les drugstores américains actuels proposent également des médicaments. De nos jours, le terme « droguerie » est remplacé par « bazar ». La langue française a vu d'autres changements sémantiques concernant les noms de magasins, tels que l'épicerie qui autrefois vendait principalement des épices, mais propose maintenant du fromage, des légumes, du vin, etc. Le boulanger, quant à lui, vendait du pain rond ou en forme de boule, fabriqué par le fournier : celui qui avait un four. Enfin, la charcuterie était le lieu où l'on cuisait la chair, c’est-à-dire la viande.

Thiers, Puy-de-Dôme.

La photo ci-dessous sauve la mise. Sans elle, nous aurions bien été en peine de deviner que ce fut une quincaillerie. Que C'EST une quincaillerie plutôt. Les Etablissements Boudal sont toujours en activité (depuis 1956), ils se sont déplacés dans la ZI de la ville. Inutile de vous dire que le lieu et l'enseigne sont beaucoup moins charmants ; du moins pour ceux qui préfèrent la désuétude au pimpant flashy. 

Thiers, Puy-de-Dôme.

Pont-de-Veyle, Ain.

Lorsqu'elle était encore ouverte, cette boutique était comme la caverne d'Ali Baba. On y trouvait presque tout à un prix défiant toute concurrence. Lorsque j'y suis entrée la première fois, c'était pour mon fils qui venait de s'installer chez les Compagnons du Tour de France au château du village. Il avait besoin d'un cadenas pour fermer l'armoire qui lui avait été attribuée. Comme je ne savais pas trop quelle taille prendre pour le cadenas, la gentille dame de la quincaillerie m'a prêté un assortiment en me proposant de les essayer tous et de lui ramener ensuite ceux qui n'allaient pas. Agréablement surprise par cet accueil, je lui ai proposé de lui laisser un acompte et ma carte d'identité. Elle n'a pas voulu. Lorsque la confiance est là, tout va. 

Saint-Amour, Jura.

Quel enfer cette quincaillerie ! On y trouve de tout et de rien, des clous, des vis, des boulons, des marteaux, des scies, des tournevis, des pinces, des ciseaux, des couteaux, des rasoirs, des lames, des fils, des cordes, des chaînes, des serrures, des cadenas, des clefs, des poignées, des boutons, des interrupteurs, des ampoules, des piles, des bougies, des allumettes, des briquets, des lampes, des lanternes, des réveils, des montres, des lunettes, des jumelles, des appareils photo, des caméras, des magnétophones, des radios… Tout ça entassé dans un désordre effroyable sur les étagères poussiéreuses et les comptoirs encombrés. Et au milieu de ce fatras infernal, le patron qui trône comme un roi sur son tabouret branlant. Un gros bonhomme rougeaud et ventru qui vous regarde avec un sourire narquois et vous dit d’une voix nasillarde : « Qu’est-ce que je peux faire pour vous ? » Et vous qui cherchez vainement ce dont vous avez besoin dans ce capharnaüm indescriptible. Vous vous sentez perdu et ridicule. Vous avez envie de fuir et de hurler. Mais vous restez là comme un con à bafouiller : « Je voudrais… je voudrais… » Et lui qui ricane et qui répète : « Vous voudriez… vous voudriez… » Et vous qui finissez par sortir sans rien acheter. Quelle horreur que cette quincaillerie !

Morez, Jura.

J’entre dans la droguerie. Une odeur âcre me prend à la gorge. Des bocaux de toutes les couleurs s’alignent sur les étagères. Des poudres, des liquides, des cristaux. Des produits pour nettoyer, pour désinfecter, pour dégraisser. Des produits qui tuent, qui brûlent, qui empoisonnent. Le droguiste me regarde avec un sourire carnassier. Il a des dents jaunes et des mains crochues. Il me demande ce que je veux. Je lui dis que je cherche de l’eau de javel. Il me montre un bidon bleu. Il me dit que c’est de la bonne, de la forte, de la qui fait des trous dans les draps. Il me dit que ça coûte deux euros le litre. Je lui tends un billet. Il me rend la monnaie. Il me dit de faire attention, que c’est dangereux, que ça peut me crever les yeux, que ça peut me ronger la peau. Il rit comme un fou. Je prends le bidon et je sors. Le droguiste, un démon déguisé en homme, m'a vendu ce que je cherchais avec un sourire carnassier, comme si j'avais signé un pacte avec l'enfer. Je marche dans la rue avec l’impression que mon âme est chargée de péchés. La culpabilité me ronge, comme une brûlure corrosive. J'ai l'impression d'avoir franchi une ligne, d'avoir pactisé avec l'obscurité. Je me sens coupable. J’ai la sensation d’être dans la peau de Marie Besnard.


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