La Poype de Villars, sentinelle de terre et de mémoire

 

Ancienne carte postale de la poype côté ouest qui souligne la présence de la porte d’entrée de l’église sous la tour de briques.

Au cœur de Villars-les-Dombes, une masse de terre se dresse. La Poype de Villars, vestige d’une époque où les fortifications n’étaient pas de pierre mais de terre et de bois, veille encore sur le paysage. Ce tertre, haut de 16 mètres, large de 60 mètres, n’est pas un simple relief naturel. C’est une forteresse médiévale née d’un besoin vital : voir sans être vu, se défendre sans faillir.

Un château de terre et d’histoire

Née au Xe siècle, la Poype de Villars est une motte castrale, un tertre artificiel autrefois ceinturé d’un fossé en eau, conçu pour supporter une tour défensive. 

Les fouilles menées en 1988 par le Centre inter-universitaire d’histoire et d’archéologie médiévales ont révélé les fondations d’une église romane, probablement bâtie au XIe siècle. Cette église a été progressivement ensevelie sous des remblais médiévaux, laissant supposer une transformation du site au fil des siècles. Sous ces couches de terre, les archéologues ont également découvert une tour carrée plus ancienne, dont la voûte en berceau plein cintre indique un premier édifice fortifié datant du Xe siècle.

Entre 1460 et 1500, une tour cylindrique en briques rouges est construite sur les structures précédentes. Elle sera en grande partie détruite en 1595, lorsque les troupes du maréchal de Biron, sous les ordres d’Henri IV, assiègent et pillent Villars. Aujourd’hui, il n’en subsiste que quelques vestiges, éventrés par le temps.



Mais sous la terre, l’histoire semble plus ancienne encore. Des éléments de maçonnerie comportent des fragments gallo-romains, suggérant une occupation bien antérieure. Quant au château des sires de Villars, attesté dès 1030, il pourrait avoir été bâti sur ces fondations anciennes, témoignant d’une superposition des époques et des usages.

Le Moyen Âge est une époque troublée et Villars-les-Dombes n’y échappe pas. Les sires de Villars, premiers seigneurs du lieu, contrôlent cette forteresse stratégique, qui devient successivement baronnie, comté, puis marquisat. Mais les luttes entre le duché de Savoie et la couronne de France font de la région un territoire disputé. Villars, placé au cœur des tensions, change de mains à plusieurs reprises au gré des guerres.


Entrée de l'église conservée sous la poype de Villars-les-Dombes (après la fouille de 1988)
© Archives départementales de l'Ain, 5 Fi

Une sentinelle immobile

Classée monument historique en 1905, la Poype de Villars ne s’est pas écroulée, elle s’est simplement tue. Aujourd’hui, elle repose au cœur du village, étrangère à son siècle, vestige d’un monde qui ne bâtit plus en terre et en bois.

D’autres mottes l’entourent, La Juire, Termans, dernières sentinelles d’une époque où l’on élevait des remparts pour protéger des terres et affirmer un nom. 

Villars-les-Dombes a changé. Les hommes passent, les siècles glissent, mais la Poype demeure. Sous elle, des strates de silence, un passé que seule la patience des archéologues a su réveiller. Le Moyen Âge s’est effacé, mais il a laissé ses empreintes. Des empreintes que même le vent n’a pu emporter.


La Poype le 2 mars 2025









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