Tony Burais, photographe disparu mais toujours à la porte

 

Photographie, 2 rue Burais, 69100 Villeurbanne

Villeurbanne, angle des rues Léon Blum et Burais. On passe, on regarde à peine. Une vieille façade, une porte en bois, le genre qu’on ne repeint plus depuis Pompidou, avec deux volutes de fer forgé et, au-dessus, un mot gravé comme un vestige : PHOTOGRAPHIE.

C’est tout ce qu’il reste, aujourd’hui encore visible, du studio de Tony Burais, photographe actif vers 1900, installé là, au cœur du quartier Grandclément, avant que la photo de famille ne soit remplacée par la borne selfie du centre commercial.

Tony, de son vrai nom Antoine Burais, est né le 15 août 1854 à Villeurbanne, dans une famille modeste (son père était marchand épicier). Il y a vécu. Il y a travaillé. Et c’est là qu’il est mort, le 25 mars 1933, à l’âge de 78 ans, veuf. Il repose au cimetière ancien de Cusset, à deux pas de son atelier. Il aura vu naître la Troisième République, vu l’essor du tramway, la disparition des chevaux de livraison et les premiers grésillements de la TSF.

Le Photographe, 20 mai 1933

Avant les clichés, il y eut les confiseries. Comme son frère aîné (qui portait d’ailleurs le même prénom que lui, Antoine), il démarre dans le sucre. À vingt et un ans, il est jugé bon pour le service et affecté à une unité d’infirmiers militaires, avec dix-huit mois de campagne en Afrique. À son retour, il redevient confiseur, puis en 1886, le voilà papetier route de Crémieu, sur ses terres natales. Il se marie à 35 ans, le 20 août 1889, avec Marie François Morant, à Lyon.

Le chemin du papier mène à celui de la pellicule. Avant 1906, Tony Burais ouvre un atelier de pose à l’angle du 10 bis route de Crémieu et du 2 rue Burais. En 1906, il est officiellement photographe patron, fonction qu’il assurera jusqu’en 1921, date à laquelle il cède son fonds à Joseph Tronchet, qui, à son tour, revend l’affaire à Louis Excler en mars 1923 (vu dans Le Salut public, 25 mars 1923). L’enseigne « PHOTOGRAPHIE », toujours là au-dessus du 2 rue Burais, témoigne de cette activité révolue. Mais difficile de dire si elle date de Tony ou de ses successeurs.

Son fonds photographique est aujourd’hui épars, quasi introuvable. Quelques cartes postales, des portraits d’enfants figés dans leur meilleur costume du dimanche, un décor qui revient de l’un à l’autre comme un acteur secondaire : fausse balustrade en pierre, banquette à nœuds, couverture poilue. Parfois même un costume de zouave ou une triplette de communiants raides comme des cierges. Les poses sont classiques, presque solennelles : debout ou assis, dans une immobilité de vitrine, sur fond uni ou devant une toile aux motifs végétaux. Des portraits « en tous genres & de toutes dimensions », comme l’annonçait fièrement le dos de ses photos.

En 2022, le Guichet du savoir de la Bibliothèque municipale de Lyon a tenté l’enquête. Résultat ? Très maigre moisson. Les archives municipales de Villeurbanne ont confirmé qu’elles ne conservent aucun document spécifique sur le studio, hormis quelques cartes postales. Même les archives départementales du Rhône sont restées muettes.

Mais une coupure de presse a permis de reconstituer les grandes lignes de son parcours. Le puzzle est incomplet, mais il tient debout.

Alors voilà. Tony Burais, photographe de quartier, n’a pas laissé de grande exposition, pas de rétrospective, pas de plaque commémorative. Seulement une porte. Et ce mot gravé qui dit tout : PHOTOGRAPHIE.

Un mot pour celles et ceux qui savaient capter le monde en silence. Un mot qui tient encore debout, même quand la mémoire fout le camp.

Sources :
Villeurbanne Curiosités
Le Rize+
Portrait Sépia





















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