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Dortan-la-Martyre, un village dans la tourmente en juillet 1944

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  Dortan incendié. Photo collection Gérard COSTER . C’est après avoir lu quelque part qu’il existait un village martyr dans l’Ain que je me suis retrouvée à Dortan. Un coin où les pierres chuchotent encore des histoires de résistance et de douleur. Avec tous ces « braves gens » qui votent pour l'extrême-droite aujourd'hui – et dans l’Ain, ils sont nombreux, croyez-moi – il est salutaire de rappeler ce que les Allemands ont fait pendant la guerre. Parce qu’on a vite fait d’oublier, de tourner la page, de passer à autre chose. La preuve en est qu'aux dernières législatives, le RN a raflé 68 % des voix à Dortan. 68 % ! C'est la honte ! Comment peut-on oublier à ce point les leçons du passé et se laisser séduire par des idéologies nauséabondes ? À Dortan, les plaies sont pourtant encore visibles. Ce village est comme un livre d’histoire vivant, un rappel puissant que la liberté a un prix. Alors, si vous avez deux minutes et que vous n’êtes pas trop occupé·es à refaire le mo

Les murmures de l'Hôtel de la Poste

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  Lyon Croix-Rousse C’est sûr, L'Hôtel de la Poste c'est pas la Villa Florentine. Au zinc, y'a Robert, le taulier. Un gars pas méchant, mais une gueule toujours bougonne, comme s'il avait mâché du gravier au petit-déj. Un matin, alors que Lyon s’éveille sous le crachin, une dame débarque. Elle est sapée comme pour un bal, mais sa binette dit qu'elle n'est pas là pour danser. C’est le genre de fille qui n'a pas mordu dans le gâteau de la vie du côté de la crème. — Bonjour beau brun, je cherche la chambre 12. Paraît qu'elle a vue sur le grand théâtre du monde, lance-t-elle avec un regard qui claque comme un coup de feu dans une ruelle sombre.  Robert la zieute avec des mirettes qui ont l'air de fouiller jusqu’au fond de son âme et lui répond sur un ton grimaçant. — La 12, ma belle, c'est tout un poème. Fais gaffe par contre, y'a des souvenirs accrochés aux rideaux qui pourraient te filer le cafard. C'est pas Versailles, hein, faut pas rêver

Rien que pour vos cheveux

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  Agde (34) Dans la rue de l’Espérance, on aperçoit encore le salon du vieux Fernand, qui officiait en artiste du peigne et du ciseau. « Coiffeur », dit encore l'enseigne, se faisant l’écho d'un temps où on venait se faire tondre en parlant mistral et bourrasques. Sa boutique c'était pas le Louvre, mais chaque coup de ciseau était un coup de pinceau, chaque mèche tombée, une œuvre d'art éphémère. « Les cheveux blancs, c'est les souvenirs qui poussent » qu'il disait de sa voix rocailleuse résonnant sur les murs écaillés. Ses mains, secouées de tremblements, tissaient des coiffures comme on noue des amitiés : serrées, solides et un brin compliquées. Sa vitrine était cachée derrière un rideau plus orange qu’un soleil couchant. « La discrétion, mes enfants, c'est la clef de l'élégance, » qu'il affirmait, le Fernand, alors que c'était surtout pour masquer la poussière qui s'accumulait. Le soir, après avoir rangé ses rasoirs et ses flacons d'ap

10 petits commerces par les illustrateurs (Part I)

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  Douglas Crockwell (1904-1968) - Boutique de campagne. Bill Ward , 1960s. Humour anonyme. Barbier par  Brunelleschi . Le pharmacien par C. Lestin . Frank Margerin - Chez Edouard, bar, café. La marchande de fleurs par Maudy . Le rémouleur par Maudy . Pub pour le balai Lustryl. En avez-vous des rouges ?, 1954.

Les échos clandestins de la Cour des Voraces

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  La Cour des Voraces, c'est un peu comme un vieux parrain du quartier de la Croix-Rousse, un genre de patriarche en escaliers tellement escarpés qu'ils donneraient des courbatures à un chamois. Six étages d'escalier, c'est un truc à te faire regretter d'avoir oublié ton pain en bas. Ici, les Canuts, ces gars du tissu, tissaient pas que de la soie, ils tissaient aussi des révoltes. Des vrais durs, avec des poings pas seulement faits pour passer le fil dans le chas de l'aiguille. Ces bonshommes, ils avaient le cœur aussi serré que leur métier à tisser, et quand ça débordait, ça faisait des vagues jusqu'au sommet des pentes. Des révoltes ? Oh, quelques-unes, juste de quoi écrire un chapitre ou deux sur la lutte des classes dans les livres d'histoire. La Cour des Voraces, c'est aussi un joyau d'architecture, avec ses traboules mystérieuses où l'on pourrait presque s'attendre à croiser le fantôme d'un Canut en train de ruminer sur la cond

Louise Pioda, une burgienne courageuse sous l'occupation

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  Louise Pioda « La notion de « Résistance civile » tend d'abord à désigner la quotidienneté d'un état d'esprit de résistance, au sein d'une société occupée ou dominée par une puissance étrangère. En général, c'est ce qu'on appelle la « résistance des anonymes », par définition non spectaculaire, faite de milliers de petits actes oppositionnels. » - Extrait du Dictionnaire historique de la Résistance , sous la direction de F. Marcot, collections Bouquins, édition Robert Laffont, 2006. Dans l'Ain, terre aux mille visages, les femmes, de toutes générations et de toutes conditions, se sont élevées dans l'ombre de la Résistance. Avec un dévouement inébranlable, elles ont soutenu les hommes de leur vie - époux, frères, fils - engagés dans cette lutte acharnée. Leur rôle ne s'est pas limité au soutien moral ; elles sont devenues les piliers de cette résistance, cachant les armes, offrant refuge et soins aux combattants épuisés. Elles sont incarnées par des

L'adieu aux saucissons

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Quelque part en Saône-et-Loire. En cette année de grâce 1993, dans un coin paumé de l’hexagone, la maison « Salaisons des Îles » ferma ses portes, non sans un soupir de soulagement des cochons alentour. Fondée en 1954 par un homme qui croyait dur comme fer que la charcuterie était l'avenir de l'homme, la boutique avait connu des jours de gloire et des nuits d’ivresse, où les saucissons se balançaient au plafond comme des pendus, mais en moins tragique. Pierre, le fondateur, était un homme de goût, un esthète de l'andouillette, un poète du pâté de campagne, un Rimbaud de la rillette. Son magasin était son œuvre, son chef-d'œuvre, son « Guernica » à lui, une espèce de Louvre du lardon. Mais voilà, les temps changent plus vite que les bactéries prolifèrent dans un pâté de foie, les artères se bouchent, et les préoccupations écologiques s’immiscent dans l’esprit des consommateurs. La légende raconte qu'avant de tourner la clé dans la serrure pour la dernière fois, Pierr