Les pierres à légendes ou les curiosités géologiques naturelles du département de l'Ain

 

Le Bénitier à Cize-Bolozon.


En 1925, E. Dubois, dans son récit Les monuments mégalithiques de l’Ain, cite un certain Désiré Monnier qui pensait que toutes ces pierres, (d’un poids atteignant souvent plusieurs tonnes), avaient été façonnées et posées ici et là par la main de l’homme, au nom de certains mythes ou croyances. C’est vrai pour le menhir de Pierrefiche à Simandre, quelques pierres à cupules et autres menhirs du coin, mais ce n’est évidemment pas le cas pour les énormes rochers que l’on qualifie aujourd’hui de “curiosités géologiques naturelles”. L’originalité et l’implantation de ces pierres sont, comme la qualification l’indique, complètement naturelles puisqu’elles ont été “charriées” par les glaciers, bien avant que l’homme ne fasse son apparition sur cette terre. Avec le réchauffement climatique, la glace s’est transformée en eau qui a entraîné l’érosion des calcaires et sculpté rives et rochers.

André Chagny l’explique dans son ouvrage de 1927 : Les pays de l'Ain. Bresse et Dombes, Revermont. "Au temps où se produisit l’extension dite mindélienne (1), le glacier du Rhône alimenté surtout par les névés de la Suisse centrale s’étalait en un formidable inlandsis (2), duquel émergeaient seules, à l’Ouest, les cimes les plus hautes du Jura. L’immense chape de glace poussait ses moraines (3) frontales de Lons-le-Saunier à Bourg-en-Bresse, de Bourg à Neuville-sur-Saône, de Neuville à Lyon. Si la Dombes et le Revermont furent submergés par la grande glaciation mindélienne, en revanche la Bresse en fut indemne, tout au moins au Nord et à l’Ouest d’une ligne qui passerait par Saint-Didier-sur-Chalaronne, Vandeins, Bourg, Ceyzériat, Treffort et Coligny. En Dombes, un des torrents collecteurs des eaux sous-glaciaires jaillissait du “vallum morainique” (arc de cercle formé par les moraines à l'aval d'une langue glaciaire) au voisinage des Echets. Il représente ce que l’on pourrait nommer le Rhône mindélien. Ce fleuve ancêtre descendait par le ravin de Sathonay jusqu’à la vallée de la Saône. Il recevait cette rivière et prenait sa route vers le Sud. Mais il se heurtait au barrage des glaces dans le voisinage de Vaise, et, comme il coulait à l’altitude constante de 60 mètres au-dessus de son niveau actuel, il gagnait Givors par Francheville, Beaunant et Brignais. 
Quand le glacier mindélien se retira, sa moraine de fond constitua le sol superficiel de la Dombes et des lisières méridionales de la Bresse. Une boue glaciaire, blanche ou gris clair, forma l’immense revêtement imperméable qui confère à ces régions leur originalité si frappante, avec leurs marécages et leurs étangs, leurs ondulations morainiques et leurs blocs erratiques. De ceux-ci, les uns sont de simples cailloux anguleux, d’autres de véritables pans de montagne, tombés sur le glacier dans les lointaines vallées alpestres ou jurassiennes, “emballés à dos de glace” et transportés eux-mêmes sur des distances plus ou moins considérables. Ce serait le cas de la Pierre Matafanire près de Bâgé, de la Pierre Thorion à Grièges, de la Pierre des Fées à Monthieux, de la Pierre Brune de Rancé, de la Pierre Saint-Avit près d’Ars et d’autres encore que le peuple a longtemps enveloppées dans une sorte de mystérieuse vénération." 

(1) La glaciation de Mindel est la deuxième glaciation du Quaternaire dans les Alpes qui s'est étendue entre −650 000 à −350 000 ans environ.
(2) Glacier de très grande étendue se présentant sous la forme d'une nappe de glace recouvrant la terre ferme et qui peut atteindre plusieurs milliers de mètres d'épaisseur.
(3) Une moraine est un amas de débris rocheux (appelé aussi till), érodé et transporté par un glacier ou par une nappe de glace.


La Roche du Bénitier à Cize, est une curiosité calcaire naturelle située dans les gorges de l'Ain, à côté du viaduc, sur la rive droite de la rivière. La légende raconte que Gargantua, le célèbre personnage de Rabelais, toujours assoiffé après ses plantureux repas, aurait posé un pied sur cette protubérance et l’autre sur le versant opposé de la gorge. Il aurait alors bu l’eau de la rivière d’Ain en absorbant dans sa précipitation un radeau et ses radeliers ! Il se serait relevé en toussotant légèrement, persuadé d'avoir avalé un moucheron. E. Dubois (cité en introduction) trouve ce bénitier bizarre et affirme (contrairement à Monnier) qu’il ne peut être classé parmi les œuvres de l'homme. Il pense également qu’il fut l'objet d'un culte superstitieux, mais il n’en dit pas plus. Nous resterons donc sur notre faim. 

La Pierre Matafanire de Bâgé citée dans le Dictionnaire archéologique de la Gaule (1876, page 112) et dans l'Inventaire des monuments mégalithiques de France (1880, page 38), comme étant un menhir a été enlevée en 1896 d'Onjard où elle se trouvait et transportée dans sa propriété de Bâgé-le-Châtel, par M. Martin, notaire, pour la préserver de la destruction. C'est un gros caillou roulé, ovoïde, d’environ 75  centimètres de diamètre, en calcaire compact, très dur, blanc, légèrement teinté de jaune. Par ses dimensions et sa forme générale, ce n'est pas un menhir ; mais c'est une pierre à légende ; et la légende veut que, le jour de Noël, à minuit, la grosse pierre se couvre de matafans (ou matefaims, crêpes épaisses et nourrissantes). De plus, elle fait un tour sur elle-même tous les sept ans ou, selon d'autres, tous les cent ans. Les pierres qui tournent, qui virent, qui dansent ou qui se déplacent sont généralement considérées, dans la tradition, comme étant des pierres folles. Il existe même des croix en pierre qui tournent sur elles-mêmes, comme "la croix qui vire" à Choisey dans le Jura, qui, d'après les habitants du pays, tourne sur elle-même tous les 100 ans, la nuit de Noël.

Maria-Mâtre à Nantua - CP : Office du tourisme.

Le rocher de Maria-Mâtre à Nantua est un rocher uniforme formé d'une colonne calcaire surmontée d'un bloc plat perforé qui, vu sous un certain angle offre le profil d'une tête humaine. Maria-Mâtre domine le lac de Nantua et préserve la vallée des inondations. Femme de pêcheur, Maria était une cuisinière remarquable mais d’une gourmandise célèbre dans toute la région. Un jour, elle réalisa un de ses chefs-d'œuvre, une galette aux queues d’écrevisses pour rendre hommage à son époux qui rentrait affamé de la pêche. Mais elle ne résista pas au plaisir de goûter la galette et la gourmandise fut telle qu’elle ne s’arrêta que lorsque la tarte fut terminée ! Courroux du mari affamé qui appela la vengeance du ciel. Son désir fut exaucé et la malheureuse Maria Mâtre fut changée en bloc de pierre avec sa bouche fendue jusqu’aux oreilles et sa galette sur la tête ! Cette légende a donné naissance à une chanson que les vieux Catholards fredonnent encore de nos jours « Maria-Mâtre qu’a mangé la tarte, sans en laisser à son mari ; oh la goyarde ! » Maintenant, on peut apercevoir le rocher depuis le parking du restaurant Belle-Rive, route de la Cluse, sur la RD 1084. Sinon, suivez le sentier fléché qui grimpe dur, mais la végétation s’étoffe et la visibilité est moindre.


Maria Mâtre à Nantua était bonne cuisinière 
Un jour pour son époux une tarte confectionna 
Avec queues d’écrevisses du lac même de Nantua 
La gourmande la goûta et la trouva si bonne 
Qu’en reprit et reprit et finit la gloutonne. 
Son mari en rentrant n’ayant rien à manger 
De colère sur la tête une pelle lui écrasa 
Qui aplatit son crâne et lui ouvrit un œil 
Alors en statue d’pierre Maria fut changée 
On peut voir le rocher qui maint’nant vous accueille 
A l’entrée de Nantua dans une pose altière 
Sentinelle immobile et qui domine, fier. 
Claude Jambon de Brion, légende de Maria Mâtre transformée en alexandrins. 

La Pierre Thorion était enfouie dans la prairie de la Saône à la limite des communes de Grièges et de Cormoranche-sur-Saône. C'est un bloc de calcaire brut de 1 m. 60 de long sur 0.80 de large. Les habitants du pays prétendent qu'elle couvrait la sépulture du patron de Grièges, Saint Gengoux (le patron des cocus). La pierre Thorion a toujours été l'objet d'un culte ; on parle de réunions de Druides, de temple des païens. On l'appelle encore parfois la Pierre du Ciel. De nuit et dénudées, des femmes stériles venaient de fort loin pour s'y frotter les seins et le ventre. Bien entendu, l'Eglise fit édifier là une chapelle où les pèlerinages se succédèrent. Un jour, la Pierre Thorion tomba sur le territoire de Cormoranche qui prétendit se réserver le monolithe. Mais Grièges ne l'entendit pas ainsi, et une lutte homérique se poursuivit très longtemps entre les deux communes, avec déplacements et tentatives d'enlèvement de la pierre. Aujourd’hui, le monolithe gît sur un tas de pierrailles dans une propriété privée.

La Pierre qui branle située entre Matafelon et Thoirette (Jura), à côté des ruines du château de Thoire, domine le sauvage défilé par lequel on passe de la vallée de l'Ain à celle de l'Oignin. Il est entendu que chaque année, en la nuit de Noël, lorsque sonne minuit, elle fait spontanément un tour sur elle-même. Mais malheur à celui qui voudrait voir le phénomène ; la Vouivre qui se cache par là immolerait l'indiscret... Une variante de cette légende prétend que celui qui échapperait à la Vouivre mourrait dans l'année suivante.

La Pierre qui Vire de la montagne de Saint-Jacques à Dortan se dressait jadis en face du confluent de l'Ain et de la Bienne ; elle était de la grosseur d'une meule de moulin et posée en équilibre sur un autre rocher. Au début du XIXe siècle, quelques plaisantins l'ont précipitée dans le ravin. Comme celle de Matafelon, elle faisait un tour sur elle-même à la Noël et à la Saint-Jean, à minuit. Elle était le point de réunion des sorciers d'alentour et, à certains jours la jeunesse de Dortan et d'Uffel venait s'y divertir. Aujourd’hui le belvédère de la Pierre-qui-Vire à remplacé le gros caillou. Il offre un magnifique panorama sur le Lac de Coiselet, le Pic d'Oliferne, la cluse de la basse Bienne, la forêt de buis. Attention aux abords des falaises. Départ place de Dortan Mairie, balisage jaune. 

La pierre branlante de Boscartus (Cieux, Haute-Vienne) par Babsy sur Wikipedia.

La Pierre branlante de Ruffieu, citée par M. Sirand, avait 70 à 80 mètres cubes et reposait sur une autre s'élevant d'un mètre au-dessus du sol, et ne mesurant qu'un mètre et demi de circonférence. On l'appelait aussi Pierre Picolat ou du Petit Colas. On pouvait très aisément lui imprimer un mouvement d'oscillation. Des enfants même s'amusaient à la faire branler. Un jour on poussa trop fort et elle s'écroula dans le Séran, c'était en 1829.

La Roche aux Accouchements de Saint-Alban recevait la visite des femmes enceintes qui venaient lui demander une heureuse délivrance, tout comme les jeunes bretonnes allaient se frotter contre les menhirs de Ploucarnel pour devenir mères d'une heureuse postérité.

CP : Pierre à Cercles de Divonne par Eric Vuylsteke, 2012, sur notrehistoire.ch.

Pierre à cercle de Divonne sur Raconte-moi Divonne, 2015.

La Pierre à Cercles de Divonne-les-Bains porte aussi le nom de Pierre du Château puisqu'elle se trouve à environ 250 m au sud-ouest du Château de la Forêt-Divonne, au milieu d'une zone aujourd'hui fort construite (lieudit « les Hutins »). Elle est taillée sous une forme ressemblant de manière approximative à un hexagone. Les cercles ou gravures surmontant la pierre auraient eu une fonction astronomique, dit-on, mais la datation exacte des gravures est chose aléatoire tandis que la fonction des gravures a pu évoluer au fil du temps. M. Bardel, pharmacien à Divonne en 1925 n'hésitait pas à penser qu'il y avait là des indications astronomiques et que leur orientation était celle du lever et du coucher de la lune ou du soleil aux équinoxes et aux solstices. La pierre n'a cependant pas été taillée par un outil en métal, car on n'aperçoit aucune des traces que laisse forcément un burin, ce qui laisse bien des points d'interrogation et peu de réponses sur ce bloc mystérieux. La pierre fut classée le 14 juin 1909 sous le nom de Pierre des MaraisPour y accéder, prendre la rue de la Pierre à Cercle et rouler jusqu'au bout de celle-ci, ensuite prendre à gauche le chemin longeant une clôture pendant une centaine de mètres puis tourner à droite (à angle droit) : la pierre est à 50 mètres environ. 

La Pierre de Saint-Avit, à Ars-sur-Formans, a reçu un culte et fut l'objet de pratiques superstitieuses et même obscènes. Informations de Dubois qui ne précise rien de plus sur cette pierre apparemment disparue. Dommage. 😉

Le cromlech de Grilly. Un cromlech est un monument mégalithique préhistorique constitué par un alignement de monolithes verticaux (menhirs), formant une enceinte de pierres levées, généralement circulaire. Parfois un menhir est placé au centre. On ne peut aujourd'hui expliquer précisément la fonction de ce type de monument. Certains chercheurs avancent l'idée de lieu de rassemblement cultuel tandis que d'autres préfèrent l'idée d'un lieu d'observation des astres ou de la Lune. Avant la première guerre mondiale, sur le sommet du mont Mourex, un tertre rond, bien nivelé, présentait un cercle de grosses pierres avec au centre une autre pierre plus grosse encore. Lorsqu’on a dressé « un signal » pour le service géographique de l'armée, on n'a rien trouvé de mieux que de détruire ce monument pour servir de base au triangle ; et lorsque le « signal » est tombé de vétusté, les touristes qui venaient nombreux pour jouir du panorama sur Genève et son jet d'eau, sur les Alpes et le Mont Blanc, ont éprouvé le besoin de faire rouler sur les pentes ces respectables blocs.

La Pierre levée de Roche Boquette. CP : Les Amis du Revermont.

La Pierre levée de Roche Boquette à Saint-André (commune de Neuville-sur-Ain) est une pierre triangulaire de 2 mètres de haut environ, orientée Nord-Sud. C’est l'Abbé Marchand qui le premier l’a signalée, estimant qu’elle semblait avoir été placée là avec une intention bien arrêtée et un but déterminé. Son orientation Nord-Sud l'a incité à penser à un menhir. Pour lui, ce monument rappelle le phallisme, c'est-à-dire le pouvoir créateur et fécondant. « Ce caractère en quelque sorte sacré, a été respecté à tous les âges. Que demandent à la pierre mystérieuse les pèlerins, jeunes femmes ou jeunes filles, qui vont se frôler à son contact ? — Toujours la conquête d'un époux ou la faculté de devenir mère ». Pour s’y rendre, il faudra traverser le gué de Saint-André puis suivre le sentier le long du Suran en direction du nord jusqu'à entrer dans un pré (bien refermer la clôture !). La roche Bocquette est à droite et la grotte (l’abri du Roseau) un peu plus loin à gauche au pied de la falaise. Cet abri servait de halte à des chasseurs cueilleurs nomades de l'époque azilienne (- 8 000 ans environ avant J.C.). Cette cavité sous roche a fait l’objet de fouilles durant l’été 1985. Diverses pièces ont été découvertes par les archéologues dont un germe de canine de cervidé perforé, des microlithes (petites pierres taillées), et un harpon réalisé dans un fragment de bois de cerf. « L’abri du roseau » peut être l’occasion d’une belle balade dans les sous-bois, en pleine période estivale. L’endroit mérite une halte à deux pas du Suran, où la fraîcheur des lieux est bien agréable lorsque la canicule est installée.

Les Pierres de Saint-Calmant à Vonnas étaient deux pierres situées sur un coteau planté de vignes, au hameau de Namary. Les bonnes gens allaient se prosterner devant ces deux blocs, y récitaient des prières, puis les grattaient avec un couteau et emportaient un peu de cette poudre qui, mélangée à la bouillie de leurs jeunes enfants, calmait leurs douleurs et arrêtait leurs cris. C'est pourquoi on les appelait les Pierres de Saint-Calmant. Ce culte ayant déplu au christianisme on bâtit sur le coteau une petite chapelle qu'on eut soin de dédier à Saint-Clément. Supercherie inutile : c'est à la poudre de Saint-Calmant et non à Saint-Clément qu'en voulaient les pèlerins !

La pierre à cupules de Magnieu. CP : Wikipedia.


La Boule de Gargantua (encore lui !) est un gros bloc de grès anthracifère couvert d'un grand nombre d'écuelles. (On appelle également ces pierres à écuelles des pierres à cupules. Il en a existé plusieurs dans l’Ain.) Ce curieux débris erratique reposait sur le bord d'un chemin dans le hameau de Thoys, commune d'Arbignieu, près de Belley. Une certaine Mme Falsan l'a fait transporter dans une de ses propriétés et l'a cédé à l'Etat pour qu'il fût conservé comme monument historique. La légende raconte que le géant Gargantua la ramassa un beau jour de l'autre côté du Furan et la lança à un kilomètre de là, à l'endroit où elle se trouvait à l'origine. Les écuelles sont les empreintes de ses doigts… La Boule de Gargantua était également un objet de culte pour les jeunes filles et les veuves qui se livraient à certaines pratiques pour obtenir un époux dans l'année. 
Une boule identique à été retrouvée en 1909 à Magnieu au sud du lac de Barre par MM. Tournier et Richard. C’est une boule en grès houiller creusée de neuf cupules dont les plus grandes ont neuf centimètres de diamètre et deux centimètres de profondeur. Classée au titre des monuments historiques en 1920, elle a été déplacée et se trouve à présent dans le parc Jean-Pierre-Camus du Palais épiscopal de Belley, non loin d’une autre pierre à cupules plus petite.

La pierre Levanaz à Culoz.


La pierre Levanaz à Culoz est un bloc erratique en phyllade noire de 70 tonnes environ perché au sud du mont Jugean, en équilibre au-dessus d'un escarpement d'une cinquantaine de mètres. En patois, son nom signifie "pierre qui lève le nez". Désiré Monnier pensait que c’était un dolmen. Dubois estimait que “la chose n'est pas impossible; mais n'est pas non plus évidente”. Monnier se trompait puisque c’est un bloc déposé par les glaciers. Il est toujours visible depuis le sentier intitulé Tour du Jugean qui permet de découvrir un joli panorama sur le marais de Lavours, la plaine entre le Rhône et le lac du Bourget, le Grand Colombier et le jardin du Clos Poncet. 

Plusieurs blocs de phyllade noire ont été déposés par les glaciers dans le cirque et le bassin de Belley. Les dessins suivants sont tirés du Bulletin de la Société de géographie de Lyon de 1881.


Fig.12 : C’est le plus gros bloc de la région qui a été déposé près du château de Montarfier. 


Fig. 13 : Ce bloc de phyllade noire s'appelait la Grosse-Pierre-Bise. Il a été brisé et exploité. Il n'en restait plus que la moitié en 1881. Cette roche a fourni les plus gros blocs du Bugey qui forment une sorte de traînée depuis le Levanaz de la colline du Jugean de Culoz jusque vers Belley.


Fig. 14 : Bloc de phyllade aux Ecuriaz ou Ecruaz près de la ferme de la Burbanne vers la gare de Belley. 


Fig. 15 : Ces blocs cubaient de 100 à 300 mètres cubes. Ils ont été détruits pour les travaux du chemin de fer.


Fig. 16 : Un des blocs les plus curieux de ce bassin, appelé le Bloc-des-Fées. C’est un énorme parallélipipède de grès anthracifère, dressé sur une de ses petites arêtes, au sommet d'une colline, à l'ouest du hameau de Vollien, commune de Cuzieu.


Fig. 17 : La Pierre Perdrix, volumineux fragment de brèche triasique, arrêté sur le penchant de la colline d'Arboréiaz, au-dessus des bords du lac de Colomieu. 

La Pierre Brune de Rancé repose sous un chêne, dans un champ, au sud du hameau du Limandas. Ce gros caillou tranquille détient un record : avec près de 300 tonnes de granit, il constitue le plus important bloc erratique de la Dombes. Dans sa jeunesse, la Pierre Brune a entrepris un grand voyage. Mais elle ne savait pas alors très bien où elle allait ; c'est pourquoi on l'a qualifié d'erratique. Il y a près de 300 000 ans, elle résidait encore dans son lieu de naissance (peut-être le massif du Beaufortin) quand un gigantesque glacier l'a embarquée. Après une lente progression, notre mastodonte fut, lors de la fonte des glaces, abandonné là où il se trouve aujourd'hui. La Pierre Brune reprit alors son sommeil immobile. Bien plus tard, elle vit apparaître un drôle d'animal : l'homme. Il se mit à cultiver le sol alentour, ce qui ne la gêna pas trop. Mais un jour du XIXème siècle elle sentit des pics commencer à lui ôter des morceaux ! Dans cette région dépourvue de pierre, l'homme avait réalisé que ce rocher constituait une véritable carrière à ciel ouvert... Notre Pierre Brune a ainsi fourni des matériaux pour le soubassement de l'église de Toussieux. Heureusement, faute d'une qualité suffisante, l'exploitation fut abandonnée. C'était justement l'époque où la société a commencé à percevoir la valeur du patrimoine qui l'entourait (même si l'on n’employait pas encore le terme). On s'est d'abord préoccupé, avec des hommes comme Mérimée et Viollet-le-Duc, de la préservation des monuments historiques. Puis une loi du 21 avril 1906 a organisé la protection des sites et monuments naturels de caractère artistique. Du coup, certains ce sont mis à regarder la Pierre Brune d'un autre œil... Le 27 février 1927, le Préfet de l'Ain informe Jean-François Villier, alors maire de Rancé, que le classement de la Pierre Brune était envisagé et lui demande d'obtenir du propriétaire du champ, M. de Murad, son accord pour ce classement. Ce dernier étant décédé, c'est son héritier, le Comte de Chabannes, qui, le 2 mai, répond au maire : “Je ne peux qu'approuver cette décision ; j'ai du reste jusqu'à maintenant fait tout mon possible pour que cette curiosité scientifique ne soit pas détériorée.” C'est ainsi que le 28 mai 1927, l'arrêté inscrivant la Pierre Brune de Rancé sur la liste des Sites et monuments naturels classés fut signé par le Ministre de l'Instruction Publique et des Beaux Arts, qui n'était autre que M. Edouard Herriot. En 1991, répondant à une lettre du maire, Edith Paturel, l'architecte des Bâtiments de France de l'Ain a confirmé que la Pierre Brune était bien classée, au titre d'une loi récente, celle du 2 mai 1930. Elle a précisé que les contraintes liées au classement s'appliquaient toujours, à savoir qu'aucune modification de ce monument ni aucun travail d'aucune sorte susceptible d'affecter son aspect et sa conservation ne devaient être effectués sans l'accord des services ministériels (en 1927, toute infraction était punie d'une amende de 100 à 3 000 francs ; en 1991, la lettre de l'architecte n'indiquait pas le tarif). Elle ajoutait à ces recommandations qu’il fallait éviter toute construction ou modification importante des lieux dans l'environnement visible de la Pierre Brune. Notre rocher se doutait-il qu'après avoir failli disparaître, il ferait un jour l'objet de tant d'attentions ?

La Pierre Mignon, près du hameau de Limandas, à Toussieux, au pied de la moraine de Piémonte, était un bloc erratique de granit porphyroïde. Vers 1860, elle mesurait encore deux mètres de diamètre et s'élevait à un mètre et demi au-dessus du sol, dans lequel elle était enfouie d'au moins deux mètres. Les jeunes gens y allaient en procession, s'agenouillaient, baisaient la pierre, faisaient des libations, mangeaient des gâteaux. M. Descours, propriétaire, eut la triste idée de la détruire, mais le champ a continué à s’appeler Terre-de-la-Pierre-Mignon. MM. Monnier et Vingtrinier disent, dans Croyances et traditions populaires, qu'elle était taillée au ciseau dans sa partie supérieure pour y former une espèce de coupole très distincte de la base qui était plus large et en partie ronde comme un tronc d'arbre. Au-dessus du cône, nous ne sommes pas peu surpris, disent-ils, de trouver quatre trous qui annoncent aussi le travail de l'homme.

La pierre à dîme.

La pierre à dîme provient du château construit en 1077 au sommet du village de Virieu-le-Grand, sur les ruines d'un petit temple romain dédié à Mercure. L'auteur de "l'Astrée", Honoré d'Urfé, reçoit le château en héritage en 1599 et y fait de fréquents séjours avec sa femme, Diane de Châteaumorand, se partageant ainsi entre le Forez et le Bugey. A la mort des époux d'Urfé, le bâtiment est laissé à l'abandon. En 1726, un incendie le détruit entièrement. Restent visibles la Porte de la maréchalerie, deux tours carrées, une tour ronde, support du relais télévision, et l'angle du donjon. La pierre à dîme ou pierre de redevance servait à l'église à prélever un dixième des récoltes. Les alvéoles sont destinées à recevoir des récipients de mesures variables d'une paroisse à l'autre (pots, seaux, paniers...). Située route de Lyon à Virieu, à côté du socle du pilori. 


Le socle du pilori gravé d'une date : 1592, se trouvait devant l'entrée du château de Virieu-le-Grand. Ce dispositif symbolisait le droit de la justice du seigneur sur son fief. L'exposition publique était une peine infamante sous l'Ancien Régime. Plus d'infos sur les piliers de justice dans l'article sur le baron de Pierre de Simandre. Situé à côté de la pierre à dîme.

La pierre à l'ours est située au sud du bourg de Cormaranche-en-Bugey, à environ 1 km de la route départementale n°8, entre les bois de Cros vert et des Teillières. Elle se présente comme une tranche de rocher plantée verticalement dans le sol. La partie visible est de 7 mètres de haut sur une largeur de 6 mètres. L'épaisseur est d'environ 70 cm. Le nom donné à cette pierre viendrait de ce qu'en des temps très anciens un ours aurait vu s'y chauffer au soleil. 

Des pierres ont certainement été oubliées dans cette liste. N'hésitez pas à laisser un petit commentaire afin qu'elles soient ajoutées. Bonnes promenades "empierrées", enfin si toutefois nous ne sommes pas à nouveau confinés... 

Sources : E Dubois, Les monuments mégalithiques de l’Ain dans le Bulletin de la Société des naturalistes et des archéologues de l'Ain, 1925 / André Chagny, Les pays de l'Ain. Bresse et Dombes Revermont, 1927 / Bulletin de la Société de géographie de Lyon, 1881 / Gralon / Revue de folklore français, 1931.



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