Les publicités murales peintes et les affiches Dubonnet

 

Pouilloux (71)

Les publicités murales peintes Dubonnet ont couvert, en France, environ 200.000 mètres carrés de murs (photos d'époque en fin d'article). On en aperçoit encore quelques-unes aujourd'hui, petits trésors réchappés de l'avalanche de panneaux publicitaires qui ont commencé à remplacer les peintures murales à partir de 1950Les peintres de ces enseignes étaient appelés pignonistes ou « peintres lettreurs ». Leur nom venait du fait qu'ils peignaient souvent (à la main), sur le pignon d'une maison.

L'apparition de ce type de publicité est liée à l'avènement de la consommation de masse, ainsi qu'au développement des transports en commun (trains et tramways). Ceux-ci permettaient de se déplacer pour faire ses achats bien au-delà de son quartier, là où il fallait alors se repérer dans un environnement inconnu, mais ils obligeaient aussi à lire plus rapidement les annonces, compte tenu de la vitesse du déplacement. Dès lors, la nécessité de réclames peintes en grand format s'imposa. Les annonceurs se mirent à rechercher la monumentalité et la durabilité, deux qualités qu'offraient les murs peints. C'est ainsi que les murs aveugles et surtout les pignons vont héberger des messages publicitaires gigantesques. En France, le mur peint connaîtra un certain succès autour de 1870, mais ses progrès seront bloqués par un relèvement des taxes publicitaires. Une seconde période faste sera celle de l'entre-deux-guerres, avant que plusieurs mesures réglementaires aient raison de cette forme de publicité après la Seconde Guerre mondiale.

Nombreuses sont les publicités murales qui n'existent plus aujourd'hui, et ceci pour trois raisons :

  1. Elles étaient sujettes à la pratique du palimpseste : on utilisait et réutilisait, après les avoir « grattés » et enduits d'une couche de fond, les mêmes murs.
  2. La pratique fut abandonnée et remplacée par l'affiche papier ou le panneau publicitaire.
  3. Bon nombre de ces œuvres se sont évanouies à cause des intempéries, des bombardements, des rénovations urbanistiques. Par ailleurs, les couleurs utilisées pour les publicités murales ont plus ou moins bien résisté au temps. On constate que le noir et le bleu résistent bien, alors que les couleurs rouges ont tendance à disparaître avec le temps à cause des ultra-violets du soleil.

À noter que malgré l'intérêt des photographes pour ces publicités et l'action de certaines municipalités ou particuliers qui œuvrent pour conserver et restaurer ces peintures murales, seules deux pubs situées sur un pignon, à l'angle de la rue des Martyrs et de la rue Hippolyte-Lebas à Paris (9e arrondissement) sont protégées et inscrites au titre des monuments historiques depuis le 6 septembre 2012. Elles sont datées respectivement de 1907 et 1909 et signées par les peintres-pignonistes Defoly et Eugène Vavasseur. La première vante les mérites de la liqueur Bénédictine et la seconde ceux des peintures Ripolin. À voir ici

Chamberet (19)

C'est à Paris, du côté du futur emplacement de l'opéra Garnier, que Joseph Dubonnet élabore en 1846 son vin de quinquina. Pour lutter contre le paludisme, il met au point ce médicament au goût amer, qu'il masque avec une décoction d'herbes et d'épices à forte saveur. Les soldats de la Légion étrangère l'utilisent dans un premier temps dans les marécages infestés de moustiques en Afrique du Nord. Puis l'épouse de Joseph sert la potion en apéritif auprès de ses amis, et le bouche à oreille assure la popularité du Dubonnet. Le vin apéritif à base de quinquina était très tendance dans les années 50. Ses propriétés toniques, fortifiantes, apéritives et fébrifuges étaient mises en avant, y compris dans la publicité, le transformant en une sorte de vin-médicament destiné également aux enfants anémiés !

Depuis 1976, la marque Dubonnet est la propriété du groupe Pernod Ricard qui continue sa commercialisation.


Arinthod (39)

Seyssel (01)

Saint-Etienne-du-Bois (01)

Hérisson (03) par Alain Baraquie. Merci ! 

Byrrh, Dubonnet, Sarras (07) par Alain Baraquie.

Burzet (07) par Alain Baraquie.

Fay (72) par Alain Baraquie.

Guéret (23) par Alain Baraquie.

Lamastre (07) par Alain Baraquie.

Pontgibaud (63) par Alain Baraquie.

Privas (07) par Alain Baraquie.

Dans le Puy-de-Dôme par Alain Baraquie.

RN86 par Alain Baraquie.

Dans le Puy de Dôme par Alain Baraquie.

Villeneuve d'Allier (43) par Alain Baraquie.

Florac (48) par Alain Baraquie.

RN 86 Ardèche par Alain Baraquie.




Petite histoire des publicités Dubonnet

Pour la typographie, la publicité se fixe assez rapidement sur la lettre « bâton », et sur le dispositif : fond bleu, lettres blanches ombrées de noir, dont Dubonnet fut longtemps à partager l'exclusivité avec le chocolat Menier, mais ce dernier d'un bleu plus clair. Il y eut le bleu Dubonnet et le bleu Menier, comme il y a le bleu outremer et le bleu céruléum.


Tiré de La Publicité, journal technique des annonceurs1933.

Le cliché dit « Famille », composition d'Ogé, fut modifié ou modernisé selon les circonstances et n'a pas cessé d'être largement utilisé jusqu'en 1930.


Cliché famille d'Eugène Ogé, 1890.

Au début des années 1900, à côté de l'affiche papier, on commence à utiliser l'affichage métallique sur zinc. M. Dubonnet ne manque pas d'y faire appel. De même il utilise la publicité sur bannes et stores, sous-glaces et même vitraux. On pouvait voir dans les années 30, dans un café de Rouen, une fort belle verrière, très décorative, dont le motif central était la « femme en bleu » de Chéret.

Jules Chéret, le magicien de la couleur, le maître de l'affiche gaie, parisienne, crée pour Dubonnet trois de ses plus belles compositions : « la Femme au chat », « la Femme en bleu », « la Femme à la chaise ».


Femme au chat par Jules Chéret, 1895.

Femme en bleu par Jules Chéret, 1895.

Femme à la chaise par Jules Chéret, 1896.


Après la guerre, l'effort sur les clichés d'argumentation s'intensifie, au détriment des clichés humoristiques moins employés, et momentanément abandonnés. L'usage des formules typiques, illustrées ou non, plaisantes ou simplement démonstratives, s'amplifie : « Un Dubonnet donne de l'appétit pour deux. », « Qui veut la faim veut un Dubonnet. », « L'appétit vient en buvant un Dubonnet. », « Pas de maison sans Dubonnet. », « Dubonnet : Appétit, santé, force. », « Un Dubonnet à se mettre à genoux. », etc.

Un Dubonnet donne de l'appétit pour deux, 1920s.

Faites vos provisions d'appétit d'après Printel.

L'appétit vient en buvant un Dubonnet par Paul Mohr, 1930s.


À partir de là, Dubonnet commence à faire un emploi régulier des échos de presse. Certains ont fait du bruit, comme celui qui prétendait que les élèves de tel lycée de province s'étaient mis en grève, exigeant un Dubonnet avant chaque repas, et que satisfaction leur avait été donnée. Le préfet, croyant que c'était vrai, réclama des explications au proviseur ! Il faut citer également cet autre écho qui, à l'occasion d'une élection à la Présidence de la République, sous prétexte que le septennat était trop long, proposait d'adopter plutôt le quinquennat, à condition, bien entendu, que ce fut un... quinquina Dubonnet. Certains journaux, on ne sait par quelle candide pudibonderie politique, se refusèrent à insérer cette inoffensive galéjade !

On produit, en outre, des clichés pour circonstances spéciales. Tel celui du centenaire de Napoléon, reproduisant un arrêté de l'empereur prescrivant des distributions de quinquina (retrouvé aux Archives de Marseille). Les clichés d'argumentation, et clichés-texte, d'autre part, sont traduits en toutes langues pour l'exportation : anglais, espagnol, flamand, arabe, annamite, malgache, etc.

L'affichage s'amplifie. On généralise l'affichage zinc. L'affiche Dubonnet apparaît sous les voûtes du Métro parisien. Cet affichage, qui nécessite, en chapelet le long des voies, plus de 6.000 affiches, a une répercussion considérable. Nombreux étaient les provinciaux ou les étrangers qui, dans leurs souvenirs, évoquaient plaisamment : Paris, le métro... et Dubonnet ! Dans le même temps on développe l'affichage par panneaux émail ou peinture sur les tramways de nombreuses villes, les panneaux-toiles ou les affiches dans les gares, les tableaux métal ou carton à l'intérieur des voitures ou des gares de chemins de fer, dans les tramways et omnibus. Côté affiches illustrées, paraît « La Femme au chien » de Masson, puis « La Femme en rouge à l'éventail », et l'affiche dite « Dubonnet international », avec une élégante versant le quinquina dans des verres aux couleurs de nombreux pays. Il faut citer également l'affiche Sem, avec son maître d'hôtel, et celle de Mich, pour le circuit de l'Est : un joyeux coureur sonnant la charge avec une bouteille de Dubonnet en guise de clairon. 

La Femme en rouge à l'éventail  par G. Boano.

Dubonnet international par Clérice Frères.

Le maître d'hôtel Dubonnet par Sem.


La publicité murale prend de l'ampleur. On varie également l'affichage du métro dans la disposition des lettres ou la couleur des fonds. L'affichage illustré utilise, mais avec sobriété, les formules modernes. Affiche de Carlu « Elle » et « Lui » ; celle de Péré « Pas de Maison sans Dubonnet » ; de Dransy, le gourmet rubicond de désir devant une bouteille : « Un Dubonnet... à se mettre à genoux » ; le « Snob rouge » où Cappiello s'échappe pour une fois de sa hantise des génies volant dans le vide — fils lointains des nymphes ou grisettes caracolantes de Chéret. Enfin, le « Dubo, Dubon, Dubonnet » de Cassandre, dont s'ornent, en grande dimension, palissades, murs et panneaux sur toitures.

Elle.. toujours Dubonnet par Jean Carlu, 1930s.

Lui... toujours Dubonnet par Jean Carlu, 1930s.

Un Dubonnet à se mettre à genoux par Dranzy, 1932.

Le Snob rouge de Leonetto Cappiello.

Dubo Dubon Dubonnet d'après A.M. Cassandre.


La publicité lumineuse — ou journaux électriques — n'est pas oubliée. De même l'avion. Le pilote Bossoutrot promène au-dessus de Paris et de nombreuses villes de province, une grande banderole de 60 mètres estampillée « Dubonnet », tandis qu'un collaborateur de la maison, qui l'accompagne comme passager, appuie cette publicité de l'air par des échos radiophoniques déclenchés dans chaque ville survolée. 

Des affiches illustrées spéciales sont éditées pour l'Indochine, Madagascar, etc. À noter aussi la publicité sur carnets de la S. T. C. R. P. (Société des transports en commun de la région parisienne) que Dubonnet fut le premier à lancer. Et la publicité dans les théâtres : publicité parlée ou sur affiches et tableaux dans les différentes pièces du boulevard et des cabarets ; projections du « journal lumineux ». Côté cinéma : bouts de films sportifs (Dubonnet sponsorise nombreux événements sportifs), film sur la fabrication du quinquina. Par T. S. F. : conférences humoristiques de Jules Moy, échos spéciaux, etc. Participation aux expositions les plus diverses. Un album est édité, qui reproduit la série des peintures qui ont figuré à l'Exposition coloniale, consacrées à l'histoire du quinquina, et dues à E. Virtel, collaborateur de la Maison Dubonnet. D'autres albums, consacrés notamment aux services de fabrication, paraissent également.

Course pédestre, prix Dubonnet, mai 1911.


On peut juger ainsi de l'effort considérable fourni par la maison Dubonnet pour la publicité dans tous les domaines susceptibles de s'y prêter. On peut donc dire sans trop se méprendre, qu'il n'existait sans doute pas un Français qui ignorait ce qu'était un Dubonnet ! 

C'est ainsi que dans le temps, dans l'espace, Dubonnet a su merveilleusement imprimer sa marque.


Tiré de La Publicité, journal technique des annonceurs1933.

« Dubo, Dubon, Dubonnet », est une affiche publicitaire sous forme de triptyque réalisée en 1932 par A.M. Cassandre (1901-1968), de son vrai nom Adolphe Jean-Marie Mouron, graphiste, typographe, affichiste, décorateur de théâtre, lithographe et peintre français de l’entre-deux guerres. Elle propose une narration visuelle simple, enrobée d'un ton humoristique. On y voit une silhouette se noircir à mesure de la séquence Dubo, Dubon, Dubonnet. (Hips !) Cette affiche est devenue une image culte chez les graphistes. Elle a été très présente dans le métro parisien jusque dans les années 70. Elle reprenait l’interjection et se déclinait sous différentes formes pour permettre aux passagers de bien retenir le message. Les affiches de Cassandre synthétisent à la fois le futurisme, le post-cubisme, le surréalisme et l'Art Nouveau. Son œuvre la plus connue aujourd'hui est le monogramme YSL, réalisé en 1961 à la demande d'Yves Saint Laurent. Cassandre s'est suicidé en juin 1968. L'histoire raconte qu'on aurait retrouvé à côté de son corps, une lettre de refus pour sa dernière création typographique. 

Pour découvrir son travail : Cassandre.


Gouache étude d'A.M. Cassandre, 1932.

Dubo, A.M. Cassandre, 1932.

Dubon, A.M. Cassandre, 1932.

Dubonnet, A.M. Cassandre, 1932.

Dubonnet d'après A-M Cassandre, 1950.

Force santé Dubonnet d'après Cassandre.

Dubonnet long drink par Francis Andruet, 1960.


Quelques publicités Dubonnet dans livres et films :

  • Le Dubonnet est une boisson consommée par les personnages du roman Et les hippopotames ont bouilli vifs dans leurs piscines de Jack Kerouac et William S. Burroughs (1945).
  • Dans Le Diable au corps de Claude Autant-Lara (1947), le ponton sur lequel Marthe (Micheline Presle) attend vainement François (Gérard Philipe) est surmonté d'une grande enseigne Dubonnet.
  • Dans Une femme est une femme de Jean-Luc Godard (1961), Angela (Anna Karina) et Alfred (Jean-Paul Belmondo) boivent du Dubonnet lors d'une discussion.
  • Dans Mangeclous d'Albert Cohen, Scipion fait référence au slogan de Cassandre pendant sa discussion avec le comte de Surville.
  • Dans le film Joyeuses Pâques de Georges Lautner sorti en 1984, Marlène Chateigneau (Rosy Varte), dit, lorsqu'elle arrive déjà très alcoolisée dans une fête d'anniversaire, qu'elle a « juste pris un petit Dubonnet ».

Côté pittoresque, la particularité de la Maison Dubonnet était d'être l'une des dernières grandes firmes commerciales ou industrielles qui soient restées fidèles à l'élément hippomobile pour leurs voitures de livraison ; la voiture Dubonnet a longtemps fait partie du paysage parisien. 



La section objets publicitaires Dubonnet varie à l'infini : tableaux tôle, carton, tableaux sous-verre, glaces pour cabines de bains, calendriers, sous-main, porte-allumettes, « étalages », composés de personnages découpés, célébrités du jour et fidèles dubonnettistes : Rostand, Jaurès, Sarah-Bernhardt, Briand, Polaire, etc. Puis transparents (texte et « Famille »), tableaux tôle « Marque au chat » avec cadre estampé, plaques verre, tableaux-marbre, couvertures, nappes papier, cendriers, tapis de jeux, programmes, canifs, crayons, yoyos, etc. etc. ! Autant d'objets collectors vendus aujourd'hui à prix d'or chez les brocanteurs... 


Tableau tôle marque au chat.


Sources
Marcel Benoit, Dubonnet ou un demi-siècle d'actions publicitaires, 1933. 
Wikipédia.




Autres publicités Dubonnet suivies des pubs murales d'époque


Pub sur store de café, lieu inconnu. 

Tram à Pérolles, Suisse.

Automotrice Mékarski, Nantes.

Tram de Lyon (69)

Dubo Dubon Dubonnet par André Kertész, 1934.

Autobus londoniens sur le Front avec pub Dubonnet.

Sirène Dubonnet.

Dubonnet par J. Matet.

Appétit, santé, force Dubonnet.





1939

Pour moi c'est un Dubonnet par René Gruau.

Dubo Dubon Dubonnet Air France, 1960s.


Jean Jaurès en bleu de travail savourant un Dubonnet, le journal L'Humanité sur la jambe.


Avec les multiples photos ci-dessous, on réalise mieux les 200 000 mètres carrés de murs peints Dubonnet ! 

Boulevard Poniatowski, Paris, 1932. Photographe anonyme.
Fonds Combier du musée Niepce de Chalon-sur-Saône.

Bures-sur-Yvette (91), 1930s.

Campan (65)

Givry (71)

Marcoussis (91)

Louan (77)

Marvejols (48)

Villemonble (93)

Châtres (77)

Cayeux-sur-Mer (80)

Presles (77)

Chartrettes (77)

Trégonneur (22)

Valensoles (04)

Le Chatellier (61)

Maudétour-en-Vexin (95)

Sourdeval (50)

La Croix-en-Touraine (37)

Une partie de boules Lyonnaises.

Bessèges (30)

Cambrai (59)

Anduze (30)

Fabrègues (34)

Mur peint à Paris, station Vaneau, 1977. Par Lars (Lon) Olsson.






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