Légendes et superstitions de l'Ain

 

La légende des Eaux de Bagnoles, 1959.

Le Moyen Âge fut, par excellence, un terreau fertile de légendes : légendes religieuses, légendes héroïques, légendes d'amour. C'est dans ces histoires que l'âme simple de nos ancêtres puisait son besoin d'idéal. De cette période, des souvenirs précis ont perduré jusqu'à notre génération. Leur empreinte se manifeste encore à travers certaines coutumes, reliant ainsi notre vie à celle de nos aïeux. On en retrouve les échos dans de nombreux récits que nous prenons plaisir à lire, comme au temps où nos grands-parents, veillant sur notre enfance, tenaient notre imagination en haleine avec leurs histoires parfois terrifiantes, souvent captivantes, toujours empreintes d'une profonde signification. Nos communautés rurales conservent des traces de ces croyances anciennes. Sous l'influence du christianisme, ces croyances ont évolué et se sont transformées, mais la superstition demeure solidement enracinée, résistant aux idées philosophiques ou scientifiques que l'on tente de lui substituer. On dit que l'on ne croit plus aux apparitions, mais peut-on en être sûr ? On prétend que les forces surnaturelles n'ont plus d'emprise, mais est-ce prouvé ? Qui peut garantir que l'on ne consulte plus les sorciers ou que la science cabalistique a perdu toute son efficacité ? 😎


Eric Carle, 1969.


LE CULTE DU SOLEIL
Parmi tous les cultes de l'histoire, l'un des plus anciens est celui que l'humanité a spontanément voué au soleil, cette étoile radieuse qui illumine, réchauffe et féconde notre planète. Ce culte, loin d'avoir complètement disparu, laisse des traces dans la conscience simple de nos agriculteurs qui vous diront volontiers : « Notre véritable dieu, c'est lui, celui qui répand la vie sur terre, régule nos saisons, fait mûrir nos récoltes et dore nos grappes ! » C'est pourquoi le soleil, adoré par les premières civilisations, avait ses autels dans de nombreux endroits de l'Ain. Le soleil, c'est Bel, Baal, qui a donné son nom à plusieurs localités telles que Belley, Belleydoux, Bellignat, Béligneux, Balan, Bouligneux. Une superstition persistait dans nos campagnes, consistant à invoquer le soleil pour guérir de la fièvre. Le malade se rendait sur une colline avant l’aube, tenant un soleil en paille entre ses mains. Il devait se prosterner jusqu'à ce que l'astre se montre, puis jeter son fétiche dans le cours d'eau le plus proche avant de rentrer chez lui sans se retourner. Une pratique similaire existait pour ceux affligés de la gale, considérée autrefois comme incurable. Ils se roulaient dans un champ d'avoine au lever du soleil, le matin de la Saint-Jean. La rosée sur les brins d'avoine avait le pouvoir de guérir leur maladie.

Le Pot-au-Feu.

LE CULTE DU FEU
De tout temps, le feu a été l'objet d'une profonde vénération. Autrefois, on le préservait religieusement, veillant à ce qu'il ne s'éteigne quasiment jamais. On pouvait l'allumer en utilisant le briquet et en recueillant la précieuse étincelle sur des morceaux d'amadou, mais la préférence allait souvent à l'emprunter chez un voisin dont la cheminée n'était pas encore refroidie. Pour obtenir de l'amadou, on se servait des « épaulettes de capitaine », ces champignons qui poussaient sur les troncs des noyers. Après un trempage dans l'eau chaude, on obtenait un amadou de qualité. Les tiges de chanvre souffrées étaient utilisées comme des allumettes. Pour ranimer le feu, on soufflait dessus en utilisant un bâton perforé comme une paille. Le feu était au cœur de toutes les célébrations publiques et commémorations d'événements heureux, avec de grands feux de joie autour desquels on dansait en cercle. Cette tradition n'a pas disparu. Lors de la soirée des Brandons, qui a lieu le dimanche après le Mardi Gras, certains villages s'illuminent de mille feux, symbolisant la fin du carnaval. Pendant que les cuisinier.e.s préparent les bugnes et les gâteaux traditionnels, les jeunes dansent en agitant leurs brandons, torches de paille enflammées appelées également « porte-pommiers », destinés à protéger les arbres fruitiers des chenilles nuisibles. Plusieurs villages ont maintenu une coutume similaire lors de la Saint-Jean, une tradition qui remonte déjà aux temps païens, célébrant le solstice d'été. Le feu fournissait également un moyen aux amoureux.ses d'évaluer les sentiments de la personne qu'iels chérissaient : en tenant une petite brindille de bois, semblable à une allumette et en pensant à la personne aimée, on devait l'enflammer. Si le bois se consumait entièrement après avoir saisi l'extrémité déjà brûlée, on pouvait être sûr.e de la sincérité et de la solidité de l'amour de l’autre.

Lac de Bart à Cressin-Rochefort.

LES EAUX 
Les sources ne se limitaient pas à être de simples miroirs pour les bergères. Les eaux, les sources et les rivières possédaient un pouvoir de guérison reconnu pour de nombreux maux. Par exemple, la rivière d'Ain était réputée pour ses vertus curatives contre les rhumatismes et ses propriétés cicatrisantes pour les plaies. Des bains réguliers dans ses eaux étaient considérés comme une méthode infaillible pour obtenir des résultats positifs. De même, la Chalaronne était censée protéger les enfants de diverses maladies si on les plongeait neuf fois dans ses eaux. 

La fontaine de Saint-Vulbas, célèbre depuis l'Antiquité, était réputée pour soulager les coliques. Cependant, pour qu'elle soit pleinement efficace, la personne demandeuse devait d'abord ramper sous le tombeau renfermant les reliques du saint. 

Près de Bourg, la fontaine de Saint Jean le Criard était le lieu où l'on emmenait les enfants souffrant de coliques. 

À Chézery-Forens, une source spéciale, attribuée à un miracle accompli par Saint-Robert lors de son pèlerinage, était utilisée pour traiter la douleur et jouissait d'une grande renommée. 

À Mazières (Plateau d'Hauteville), dans le cadre enchanteur des forêts de sapins qui ornent le col de la Rochette, se trouve une chapelle dédiée à la Vierge. C’est encore aujourd’hui un lieu de pèlerinage. À l'entrée de ce modeste sanctuaire coule une source considérée comme bénéfique pour les problèmes oculaires, à tel point que de nombreuses personnes conservent soigneusement une bouteille de son eau. 

Un ermite pieux, Jean l'ermite, venu de l'abbaye d'Ambronay, s'était retiré dans les bois près de Vareilles. Par sa prière, une source miraculeuse jaillit d'un rocher, et pendant des siècles, son eau fut réputée pour soulager les maux de dents. 

Près d'Ambérieu, se trouvait la fontaine aux épingles, utilisée par les femmes pour déterminer si elles étaient aimées. L'idée était de laisser tomber une épingle dans l'eau. Si elle flottait à la surface malgré les remous, c'était une preuve d'amour indiscutable. Dans le cas contraire, cela indiquait clairement une infidélité. Une autre coutume permettait de révéler la personne que l'on devait épouser. Après avoir écrit les noms de ceux ou celles avec qui l'on envisageait de s’unir sur de petits morceaux de papier, on les enfermait dans des boulettes de mie de pain, puis on les plongeait dans une source. Le nom contenu dans la première boulette qui remontait à la surface était considéré comme étant celui de la personne à laquelle on pouvait faire confiance en matière d'affection. 

Le lac de Bart, situé non loin du Rhône, entre Belley et Cressin-Rochefort, se trouvait à l'époque dans un endroit sauvage, entouré de montagnes abruptes et de landes désolées. D'après la légende, ce lac n'a jamais été sondé avec succès : tout ce qui y tombait était englouti et ne refaisait jamais surface. Des plongeurs courageux qui ont tenté de percer son mystère ont rapporté avoir aperçu des vestiges d'une ville submergée, avec ses rues, ses édifices à plusieurs étages et ses murailles fortifiées. Il semble que cette cité ait été engloutie au cours d'une guerre majeure, remontant à des temps anciens. Tous les combattants qui s'y trouvaient ont disparu dans les eaux.


A. Müller - Attelage tiré par des bœufs, 1904.


LES BOIS
Les arbres de nos forêts ont toujours occupé une place spéciale dans le culte que nos ancêtres rendaient aux éléments et aux forces de la Nature. La Bresse et la Dombes étaient autrefois couvertes de forêts inextricables, où les druides pratiquaient leurs mystères, ce qui explique en partie pourquoi les arbres étaient tenus en haute estime. Les arbres sont nos alliés en fournissant de l'ombre à l'ouvrier fatigué et au randonneur épuisé. Ils sont nos amis car ils abritent les oiseaux, les hôtes charmants de nos bois, dont les chants sont une source de joie dont nous aurions du mal à nous passer. Les forêts épaisses servent de réservoirs pour alimenter nos sources en eau, les préservant ainsi de l'assèchement. Les bois sont la beauté de nos campagnes, et il a été démontré que tout pays privé de ces espaces verts devient rapidement une terre désolée et stérile. Les arbres sont de puissants alliés pour protéger la vie sur terre et combattre les changements climatiques. Ils ont un rôle primordial dans la régulation du climat, la production d’oxygène, la protection des sols et la conservation de la biodiversité. À l'époque païenne, chaque arbre et chaque bosquet étaient considérés comme le domaine d'une divinité. Même aujourd'hui, nous percevons une vie dans les branches et une vigueur sous l'écorce. Certains arbres, qui font la fierté d'un village ou d'une région, sont vénérés comme des ancêtres. On les appelle parfois les « Savoyards » : de vieux chênes et de solides noyers qui subsistent en tant que témoins vivants des époques révolues. Il est de notre devoir de veiller à leur préservation, d'éviter leur extinction et de contribuer à leur replantation et à leur reproduction.


Les Perles de Vologne, couple à la Source de l'Arbre, Gérardmer, Vosges.

Lorsqu'il s'agissait de célébrer l'avènement de la liberté, la tradition voulait que l'on plante des arbres sur nos places publiques. Lors de l'élection d'un nouveau maire, la coutume était de planter un arbre devant sa résidence. À La Roche, au pied de Saint-Martin-du-Mont, on parlait d'un saule dont l'écorce pulvérisée était utilisée avec succès pour traiter la fièvre. À Dagneux, pour soulager les douleurs dentaires, il suffisait d'enfoncer un clou dans le tronc d'un arbre mort. À Châtillon-sur-Chalaronne, un chêne servait à suspendre les vêtements des enfants dont on cherchait la guérison et nouer ses branches redonnait de la vigueur aux hommes plus âgés. (Mais de quelle vigueur parle-t-on ici ? 😊) Le gui, ce parasite élégant dont les baies étaient autrefois considérées comme un remède universel, a conservé une partie de sa réputation d'antan. Il était utilisé pour traiter les rhumes résistants à d'autres remèdes. En posséder une branche chez soi est censé prévenir les malheurs. En revanche, le sorbier était redouté, car rester à son ombre aurait provoqué la rage chez ceux ou celles qui avaient été mordu.e.s par un chien. Le buis, béni lors du Dimanche des Rameaux, est un ornement incontournable de tout foyer catho. Une branche de buis est trempée dans l'eau bénite au chevet des défunts. Il est également un talisman contre les tempêtes : brûler un fragment de buis pendant un orage est censé protéger la maison de la foudre et des dévastations. Les petites croix en bois bénies lors de la fête de l'Invention de la Sainte Croix assuraient la fertilité des champs où elles étaient plantées et protégeaient les récoltes de divers fléaux. Celles destinées aux champs de chanvre devaient être d'une hauteur telle que les tiges de cette précieuse plante puissent les égaler. Une baguette de coudrier était un outil essentiel pour ceux qui se spécialisaient dans la recherche de sources. Enfin, il était notoire que les chênes, lorsqu'ils se décomposaient, pouvaient émettre une lueur, une sorte de phosphorescence provoquée par des conditions atmosphériques particulières, un phénomène qui intriguait et impressionnait grandement nos ancêtres.


Maria-Mâtre à Nantua. La légende peut être lue ici.


LES PIERRES
Les rochers et les pierres possèdent une signification importante dans l'imagination des habitants de nos campagnes. Des vestiges d'un alignement de pierres semblables à ceux que l'on trouve en Bretagne ont été découverts à l'emplacement actuel de Bourg. Pour les peuplades anciennes, ces pierres devaient représenter un temple en plein air ou un monument commémoratif où de nombreuses générations venaient rendre hommage. 

Simandre abrite encore l'un des deux menhirs qui s'y trouvaient autrefois (voir ici). Près d'Ars, une pierre fut longtemps l'objet d'un culte. À la roche de Cuiron, un lieu de pèlerinage, il était traditionnel de se frotter le nombril contre la paroi du rocher pour obtenir des enfants aux cheveux frisés. À Saint-Alban, pour favoriser un accouchement heureux, il était recommandé de se laisser glisser du haut d’un gros rocher. À Aigrefeuille, près de Bâgé, se trouve la chapelle de Saint-Lazare, qui, selon la croyance, peut augmenter ou diminuer l'appétit des nourrissons en fonction de leurs besoins. Il suffisait de gratter la dalle du sanctuaire et de mélanger la poudre obtenue avec la nourriture de l'enfant.

Mont July et la Roche de Cuiron, Ceyzériat.

Au-dessus de Bolozon, dans une gorge profonde où l'Ain creuse son lit, se trouvent trois pierres dressées en forme de pyramides. Selon une légende, un seigneur cruel d'Oliferne retenait captives trois jeunes filles de la région dont ce salopard voulait abuser. Pressé par les parents des jeunes filles qui s'étaient armés pour les libérer, il les enferma dans un tonneau qu'il précipita depuis les remparts de son château. Le tonneau se brisa au bord de la rivière, transformant les corps des victimes en ces pierres que l'on peut peut-être encore voir aujourd'hui. Le bourreau reçut le châtiment qu'il méritait. Bien fait pour lui. 

Entre Priay et Villette-sur-Ain se trouve le château de Richemont, un vaste manoir imposant construit par les seigneurs de Varambon. Ses quatre hautes tours massives sont faites de briques sombres, tout comme le mur à mâchicoulis qui protège l'entrée. Bien que le corps du bâtiment présente une architecture mauresque, il est également construit en briques sombres, ce qui lui confère une atmosphère lugubre. L'une de ces tours abrite une pierre à l'entrée d'un souterrain, sur laquelle des traces de sang sont visibles et indélébiles. Cependant, très peu de personnes ont eu l'occasion de vérifier ce fait, car le secret des oubliettes présentes dans nos vieux manoirs n'est que rarement révélé au grand public. La salle de justice, équipée d'une trappe s'ouvrant brusquement sur le vide, était un élément incontournable de chaque château féodal. La tradition populaire attribue cette caractéristique à de nombreux châteaux dont les seigneurs avaient autorité en matière de haute, moyenne et basse justice, notamment Richemont, Varey, Pont-d'Ain et Chenavel.


Château de Richemont.

À l'intérieur des murs délabrés de la Tour de Thol à Neuville-sur-Ain, se trouve une pierre sinistre : la pierre bleue. On ne peut pas la distinguer ou l'identifier d'une manière spécifique, mais malheur à celui ou celle qui l'approche ou la touche par inadvertance, car elle est associée à la malchance et à la détérioration du destin. On disait couramment de quelqu'un sur qui la malchance semblait s'abattre : « Il a touché la pierre bleue de Thol ! »

Château féodal de Thol, Neuville-sur-Ain.

À Muzin, près de Belley, une énorme pierre détachée de la montagne a enseveli un laboureur et son attelage sous son amas. Ils y seraient toujours. À Léaz, une montagne entière s'est effondrée. Selon la légende, cette catastrophe aurait été provoquée par la colère divine pour engloutir un couvent dont les religieux étaient obsédés par la recherche de biens matériels.

Selon une croyance répandue dans les campagnes, la foudre peut tomber sous forme d'eau, de feu ou de pierre. Celui qui peut mettre la main sur l'une de ces pierres, appelées « carreaux », et la placer dans les fondations de sa maison, protège ainsi son toit des risques de la foudre pour toujours.

Dans le lit de la rivière d'Ain, à Serrières, se trouve une pierre qui n'apparaît que pendant les années de grande sécheresse. Cette pierre porte l'inscription gravée : « Malheur à qui me verra ». Heureusement, les occasions de l'apercevoir sont très rares. 😉

Depuis des siècles, Nantua est menacée par des rochers instables, censés être maintenus en équilibre par des chaînes en fer. Si ces chaînes venaient à se rompre, la ville tout entière serait anéantie.

Illustration d'une vieille pub Villeurbannaise pour les préparations « Fée ».


LES FÉES ET LES REVENANTS
Toujours d'après la légende, nos campagnes étaient autrefois habitées par les fées, des êtres surnaturels qui jouaient un rôle significatif dans le déroulement des événements, qu'ils soient publics ou privés. Nos ancêtres croyaient fermement que les fées étaient des entités supérieures, étroitement liées à notre existence sur Terre. Elles avaient la capacité d'être invisibles et immatérielles à leur guise, prenant diverses apparences et ayant le pouvoir de transformer les objets que nous percevions. Les fées pouvaient se manifester sous différentes formes, parfois comme de gracieuses jeunes femmes, à la fois envoûtantes et redoutables, ou comme des marraines bienveillantes et protectrices. À d'autres moments, elles revêtaient l'apparence de vieilles femmes courbées par l'âge, parfois malveillantes et hargneuses, ou encore celle de génies bienveillants et familiers. Elles avaient tendance à résider dans des endroits spécifiques, tels que des grottes ou des cabanes près de sources, généralement au cœur des bois. Quiconque voyageait seul.e pouvait s'attendre à les rencontrer en ces lieux.

La fée du Riottier avait sa résidence sur les rives de la Saône, et sa réputation était redoutable. On disait d'elle qu'elle avait le pouvoir d'attirer et de retenir les marins. Les infortunés qui se laissaient séduire par ses charmes ne revenaient jamais parmi les vivants, succombant à une mort voluptueuse. Les méfaits attribués à cette fée sont innombrables.

La fée de l'Albarine, quant à elle, se manifestait comme une apparition lumineuse, enchantant ceux qui s'aventuraient sur ses rives le soir venu. Elle était très possessive et ne permettait pas la construction de barrages, de bacs ou de ponts sur son cours. Dans sa colère, elle s’empressait de les détruire.

Dans la rivière d'Ain résidait une créature terrifiante connue sous le nom de mère Engueule, une sorte de monstre légendaire qui guettait les baigneurs imprudents, en particulier les adolescents. Elle les entraînait au fond de son domaine, d'où ils ne ressortaient jamais vivants. Elle provoquait également le chavirement de nombreuses embarcations. Cependant, à ses côtés, un esprit bienveillant était là pour venir en aide aux désespéré.e.s qui cherchaient la mort dans les eaux. Une vision délicieuse se présentait devant elleux et leur ordonnait de continuer leur chemin.

Chaque fontaine était protégée par un être mystique appelé la vouivre, un serpent-fée qui arbore une escarboucle étincelante sur son front. On peut identifier la vouivre lorsqu'elle se déplace dans les airs en émettant un sifflement caractéristique et en laissant derrière elle une traînée lumineuse, semblable à celle d'une météorite. Celui qui ose s'approcher de la vouivre pendant son sommeil et lui dérober son éclatant talisman est assuré de devenir riche. Cependant, cette entreprise comporte des risques, car si la vouivre se réveille, elle inflige une punition sévère à l'audacieux.se. Des récits rapportent que certaines vouivres ont emprisonné à l'intérieur des rochers ceux qui tentaient de s'emparer de son trésor.

À Jasseron, une vouivre garde l'entrée d'une grotte renfermant des pierres précieuses. Une pierre qui pivote permet d'y accéder, mais elle ne se déplace que pendant la période de temps qui sépare les deux sonneries de minuit à l'horloge de l'église, lors de la nuit de Noël. Une histoire raconte qu'une pauvre veuve, pressée de récupérer sa part du trésor, a pénétré dans la caverne et y a accidentellement laissé son enfant encore nourrisson. Désespérée, elle est revenue chaque jour, suppliant la gardienne de lui rendre son fils ou du moins de ne pas le laisser mourir de faim. Pour cela, elle a offert son lait pour nourrir l'enfant. Ce n'est que l'année suivante, à la même période, qu'elle a pu retourner dans le souterrain et retrouver son fils en bonne santé. La vouivre, touchée par l'insistance maternelle, avait pris soin de lui jusqu'à ce moment.

Les Pierrettes établissent leur demeure dans les rochers qui dominent les vallées. Leur lignée est plutôt possessive et mal intentionnée. Souvent, elles ont provoqué le déplacement de grosses pierres sur les voyageurs et les caravanes qui perturbaient leur solitude. Plusieurs accidents graves leur sont attribués, voire même les catastrophes qui ont frappé à maintes reprises nos régions montagneuses.

Lorsque, dans la forêt, vous percevez un bruit de pas qui semble vous suivre, sans vous permettre de l'approcher ou de le dépasser, soyez convaincu qu'un lutin se joue de vous. Il cherche à vous détourner de votre chemin. Sa plus grande satisfaction est de vous égarer. Celui qui tombe dans cette séduisante illusion est ce que l'on appelle « enserré ». Après plusieurs détours, il devient complètement incapable de retrouver sa route, même s'il se trouve dans des endroits familiers, jusqu'à ce que quelqu'un vienne briser le charme et le remettre sur la bonne voie.

Il existe aussi des sylphes ou follets, des esprits inoffensifs qui se contentent de suivre les voyageurs à distance. Leur présence est évidente lorsque vous voyez, à votre passage, le sable ou le gravier dévaler depuis les pentes des routes en bord de colline.

Il y a aussi les servants, qui viennent la nuit brosser les bœufs à l'étable, faisant jaillir des étincelles avec leurs brosses enchantées. Parfois, ils signent leur visite en tressant minutieusement la queue et la crinière des chevaux, qu’on a mille difficultés à démêler le matin.

Tout le monde est familier avec les âlis, ces lumières fugaces que l'on observe lors des belles soirées d'été, tournoyant parfois près des mares et des cimetières, parfois glissant à la surface de l'eau. Lorsqu'une voix criait dans le village : « Les âlis ! Les âlis qui descendent sur la rivière ! », la population se rassemblait à une distance respectueuse pour les contempler. Ces lumières représentaient les âmes des défunts sans sépulture en quête de prières.


Cascade et ruines du Château à Dorches, Ain.

Presque toutes les vieilles ruines sont supposées être hantées par une dame, qu'elle soit blanche ou noire, et nos ancêtres avaient l'habitude de les discerner clairement.
Au Blanchon, en face du château des ducs de Savoie (Pont-d'Ain), une dame blanche était réputée se promener dans les saulaies les nuits de clair de lune. Dès qu'un passant s'approchait d'elle, elle devenait immobile, ne bougeant pas tant qu'il n'était pas parti.

À Richemont, on a souvent vu une silhouette blanche se dessiner au-dessus des remparts de cette citadelle farouche. On raconte que les seigneurs de Châtillon-la-Palud y auraient retenu leur père captif pour le contraindre à leur céder ses biens.

Dans les environs du Chatelard, ancien château seigneurial de Jujurieux, une dame blanche erre dans les prés en attendant son mari, qui n'est pas revenu depuis son départ pour la croisade.

Au fond de cette vallée, comme une forteresse qui bloque l'accès à la montagne, se dressait le château de Châtillon-de-Cornelle. Les barons batailleurs qui en firent leur repaire sont aujourd'hui oubliés. Ce que l'on sait avec certitude, c'est que des apparitions hantent ses ruines, et dès la nuit tombée, personne n'oserait perturber leur solitude.



À Dorches, le spectre d'une noble dame se manifeste. Pour échapper aux avances insistantes d'un seigneur épris, elle n'a pas hésité à se jeter dans le torrent avec tous ses bijoux.

Près de Lalleyriat, une dame vêtue de noir avait la réputation d'attirer les amoureux vers un gouffre s'ils succombaient à ses avances.

Dans toutes les régions, des fantômes étaient présents. Certains, enveloppés de linceuls blancs, sortaient du cimetière à minuit ; d'autres, poussant des gémissements lugubres, effectuaient leurs rondes dans les champs ; d'autres encore, traînant des chaînes lourdes, visitaient les habitations et perturbaient le sommeil des vivants. Pour apaiser les âmes tourmentées, il était courant d'offrir une portion de nourriture prélevée à leur intention. Les victuailles ainsi déposées sur le seuil des portes ou à des endroits spécifiques disparaissaient mystérieusement avant la levée du jour. (Les sangliers et autres animaux se régalaient bien en ce temps-là.) 

Fréquemment, les esprits prenaient l'apparence d'animaux. Dans de nombreuses régions, on raconte des histoires de moutons noirs surgissant pour effrayer les passants. Un cheval dépourvu de tête, portant un cavalier dont le visage était entouré d'un bandeau ensanglanté, traversait les campagnes, écrasant tout sur son passage. À chaque décès d'un prince de la maison de Savoie, un aigle royal planait haut dans le ciel. C'était l'âme du défunt, qui, avant de quitter ce monde, revisitait ses anciennes propriétés et rendait hommage aux tombes de ses ancêtres. Sous le couvert de la cheminée, on discutait de toutes ces choses en secret, et chacun s'efforçait de se protéger contre les influences des esprits et des revenants.


Ioan Vraz, le Sorcier du Ménez'Hom,
maudissant les Boches du Haut du Rocher de St Gildas, Morbihan.


LES SORCIERS
La foi profonde de nos ancêtres fournissait un terrain fertile à l'exploration des sciences occultes. Les sorciers jouissaient d'une popularité indiscutable dans notre région. Selon leurs prétentions, ils entretenaient des liens directs avec des puissances supérieures, ou plutôt inférieures, qui régissaient le monde. Ils prétendaient détenir le pouvoir d'influencer leurs semblables par des moyens surnaturels. Ils se positionnaient en opposition aux pratiques de l'Église et, n'ayant pas le même maître, étaient en conflit constant avec elle. Au cours du Moyen Âge, si l'Inquisition a opéré dans notre région, ce n'était pas tant pour traquer les hérétiques que pour rechercher les individus impliqués dans la magie. Tantôt, ils évoquaient un mouton noir, tantôt un homme en noir, apparaissant dans une lueur verte, avec qui ils s'engageaient corps et âme, et qui leur transmettait sa puissance et ses volontés. Tous ceux et celles qui ont été livrés au bûcher dans notre région, que ce soit à Saint-Rambert, à Bourg, à Corgenon, etc., l'ont été pour des accusations de sorcellerie. Les sorciers étaient des prêtres inversés, servant le prince des ténèbres et en étant fiers. Ils concluaient un pacte avec Satan : donnant, donnant. Lucifer ou l'un de ses serviteurs leur octroyait certaines compétences en échange de leur servitude totale. La première condition du contrat était de renier Dieu, l'Église et les sacrements, de profaner les objets sacrés, d'imiter les rituels religieux, de participer à des messes noires, de faire le signe de croix de la main gauche, etc… Les sorciers utilisaient des incantations, des évocations, des paroles magiques, et agissaient par le biais de plantes et de poudres, dont eux seuls détenaient le secret. Ils avaient le pouvoir de devenir invisibles, de se transformer en animaux, de traverser les murs, de tout voir, de tout entendre et d'influencer l'avenir. Pour ces raisons, ils étaient redoutés et personne ne voulait attirer leur hostilité. La seule issue pour celles et ceux qui étaient pris.e.s au piège de leurs intrigues était de solliciter l'aide d'un sorcier plus puissant qui consentait à les délivrer. Il existait une hiérarchie et des niveaux de compétence dans la pratique de cette science, et seul celui qui avait jeté un sort avait le pouvoir de le lever, ou bien un adepte plus avancé dans cette initiation. Les habitations des sorciers étaient en général de vrais capharnaüms, où se trouvaient entassées des plantes desséchées, des cornues pour distiller des remèdes à base de plantes, des cadavres et des squelettes d'animaux divers, ainsi que des animaux vivants tels que crapauds, hiboux, chats, poules noires, boucs, etc. Le maître de maison puisait sa puissance dans des grimoires rédigés dans une écriture cabalistique, ce qui les rendait inaccessibles au commun des mortels. La curiosité malavisée conduisait souvent à des conséquences funestes. Dès que la formule magique était prononcée, l'audacieux.se se trouvait immédiatement pris.e par une force irrésistible et transporté.e instantanément au sabbat, où étaient rassemblés tous les sorciers et sorcières de la région.

PH Thiriot - Le sabbat.

Le sabbat consistait en une réunion de tous les initiés d'une même région. Sous l'influence du maître, ils s'y rendaient sans effort, transportés dans les airs comme une plume emportée par le vent, chevauchant un manche à balai. Quelle que soit leur occupation au moment de cette convocation, ils étaient contraints de l'abandonner immédiatement. Cela se produisait grâce à une forme de dédoublement de leur être : bien qu'ils assistassent au sabbat de manière physique, leur corps demeurait dans la position dans laquelle ils l'avaient laissé, généralement couché sur le dos. Si quelqu'un les avait retournés la face contre terre pendant leur sommeil apparent, cela aurait entraîné leur mort, car leur esprit n'aurait plus pu réintégrer leur corps. Le sabbat se déroulait dans une clairière où un grand feu était allumé. Il était formellement interdit de divulguer ce qui se passait pendant ces rassemblements. Cependant, selon les informations disponibles, les participants s'adonnaient à des rondes et à des danses obscènes, ainsi qu'à la consommation de nourriture et de boissons, sans jamais être rassasiés.

Ces rassemblements avaient généralement lieu entre Le Farget et Chiloup, mais aussi près de Thol, le long de la rivière d'Ain, sur un monticule en terrassement appelé mollard. On prétendait que dans l'antiquité, les prêtres de Teutatès y pratiquaient des sacrifices sanglants. De loin, on pouvait apercevoir la lueur des flammes et les mouvements des ombres, mais personne n'osait s'approcher de près ni perturber leur chorégraphie.

L'histoire a conservé le nom d'un juge du tribunal de Bourg qui, pour mieux comprendre ces questions délicates liées à la sorcellerie, avait décidé de se rendre en personne pour observer ce qui se passait lors de ces orgies. Il en a payé le prix fort car il a été retrouvé sous forme de cadavre : il est mort d'effroi à l'endroit où il avait contemplé le sabbat.

La plupart des maladies, tant humaines qu'animales, étaient attribuées aux sorciers, et leurs pratiques semblaient justifier cette croyance. Ils avaient des méthodes particulières pour provoquer des maladies, des paralysies, des troubles mentaux et des hallucinations. Des faits bien établis et documentés venaient renforcer la conviction populaire et confirmer la réalité de leur pouvoir. Par exemple, lorsque des vaches ne donnaient pas naissance à leurs veaux ou refusaient de produire du lait, ou lorsque la mortalité frappait les agneaux et les veaux, on soupçonnait secrètement le sorcier, mais personne n'osait l'accuser ouvertement par crainte de représailles. 

Les sorciers n'étaient pas toujours des individus malveillants ; souvent, ils se révélaient être des guérisseurs prêts à soulager les souffrances de leurs semblables. Dans nos campagnes, on les consultait fréquemment et leurs conseils étaient précieux. Par exemple, pour guérir une entorse, rien ne valait une formule magique ; cependant, elle n'agissait qu'après un délai égal à celui qui s'était écoulé depuis l'accident jusqu'à la consultation. De la même manière, ils avaient des méthodes pour soigner les brûlures et éliminer les vers des enfants. Les sorciers savaient comment appliquer la graisse de blaireau ou l'avoine grillée pour soulager les douleurs et les rhumatismes, comment traiter les chocs thermiques avec un cataplasme à base de crapaud écrasé et bien d'autres remèdes. Certains connaissaient des moyens pour neutraliser le venin des vipères ou rendre inoffensive la morsure d'un chien enragé, utilisant notamment un matefaim préparé avec des ingrédients spécifiques. Leur expertise s'étendait à une multitude de remèdes et de pratiques, qu'ils utilisaient pour soigner les animaux et les personnes, ainsi qu'à une connaissance approfondie des plantes et du moment le plus propice pour les récolter.

Certains curés avaient acquis une réputation dans ce domaine. Le curé des Allymes était réputé pour conjurer les tempêtes, celui de Montanges savait comment éteindre un incendie, c'est-à-dire contenir sa propagation ; un autre prêtre, en traçant un cercle autour de lui avec sa canne, pouvait empêcher la pluie de le toucher.


Oratoire par Fiebiger.


LÉGENDES CHRÉTIENNES
Nos ancêtres étaient épris d’idéal et le christianisme a trouvé en eux une réceptivité naturelle pour ses croyances spirituelles, prenant ainsi des racines profondes et durables dans notre région. La preuve en est la prolifération de monastères qui ont essaimé sur notre territoire, dont les vestiges sont visibles à chaque coin de rue, disséminés un peu partout : des couvents masculins à Saint-Rambert, Ambronay, Nantua, Portes, Seillon, Sélignac, Meyriat, Epierre, Chézery, Saint-Sulpice, Saint-Alban, et même La Trappe (Le Plantay) ; ainsi que des couvents féminins, tels que Bons et Neuville-les-Dames, dont la réputation s'est étendue au-delà de nos frontières.

À Vieu, il existait un couvent dont les moines suivaient davantage leurs passions que les enseignements évangéliques. Dieu permit au diable de les entraîner dans la perdition. En se penchant au-dessus du torrent traversé par le pont d'Enfer, on pouvait entendre les tintements désespérés de la cloche, agitée par la main des condamnés.

Dans les ruines de la Chartreuse de Meyriat, le trésor de la communauté demeure enfoui. Un moine est chargé de le protéger, et celui qui tente présomptueusement de trouver les richesses impérissables peut dire adieu à la lumière du jour.



Notre région, qui fut le siège de colonies romaines importantes et de riches manoirs féodaux, cache de nombreux trésors dissimulés qui ne doivent pas être touchés impunément. S'emparer de ces trésors ne porte pas chance, et les disperser à des fins lucratives est un sacrilège. À Saint-André (Neuville-sur-Ain encore), une villa romaine datant de la plus haute antiquité existait. Non loin de là, se trouvait une cachette renfermant des monnaies impériales divines, des médailles commémoratives et des bracelets précieux. Celui qui la découvrit n'eut rien de plus pressé que d'échanger ces joyaux inestimables contre une somme d'argent importante. Cependant, la légende raconte que cette fortune ne lui fut guère profitable. Ayant rompu le charme de sa vie précédente, il s'adonna au faste et aux dépenses, ne trouvant le repos qu'en mettant fin à ses jours.

ST. DOMITIEN. ST. RAMBERT
Domitien fut le pionnier de la réunion de disciples dans notre région. La création de l'abbaye de Saint-Rambert fut entourée d'événements extraordinaires qui contribuèrent grandement à son succès. Lorsqu'une famine survint, Domitien se trouva contraint de se rendre dans les villages voisins pour solliciter de l'aide. C'est ainsi qu'il se rendit à Lagnieu, où il fut reçu avec rudesse par un riche patricien romain du nom de Latinius, adepte de l'arianisme. Malgré son accueil hostile, Domitien engagea une discussion avec le riche propriétaire, portant sur des questions religieuses qui suscitèrent une vive controverse. Pour prouver la véracité de ses dires, Domitien fit appel à la puissance divine. À sa parole, la foudre s'abattit sur les temples païens situés à proximité, déclenchant une violente tempête. Latinius, sa femme Syagria et leurs serviteurs, qui étaient en train de battre le grain, se hâtèrent de chercher refuge à l'intérieur de la maison. Lorsque l'orage se calma, Latinius, sur la demande insistante de son épouse, partit à la recherche du serviteur de Dieu, pensant qu'il aurait été emporté par la tornade. À sa grande surprise, il découvrit Domitien assis paisiblement sur son âne, protégeant les gerbes de blé des eaux menaçantes. Convaincu par ces prodiges des mérites du saint, Latinius se prosterna à ses pieds et le traita désormais avec le plus grand respect. Il lui fit don du lieu où un ermitage avait été construit, qui faisait partie de ses domaines, ainsi qu'une vigne à Vaux-en-Bugey, dont le vin serait utilisé pour les célébrations religieuses. Un autre épisode miraculeux raconte que, pendant que Domitien prenait un bain dans l'Albarine, un renard osa ronger ses sandales. À la prière du saint ermite, l'animal fut immédiatement frappé de mort, dissuadant ainsi toute sa descendance de causer du tort à l'homme. Même les poules des environs étaient respectées par les renards ! Quant à Rambert, également connu sous le nom de Ragnebert, il était un homme de haute naissance, estimé pour sa piété à la cour de Clovis II et de Childéric. Malheureusement, il suscita la haine d'Ebroïn, maire du palais, ce qui le conduisit à l'exil en Bourgogne. Pour s'assurer qu'il ne reviendrait jamais, deux assassins furent envoyés pour mettre fin à sa vie au moment où il atteignait la porte du monastère fondé par Domitien, près de la rivière Brevon. Son corps reçut une sépulture pieuse dans ce monastère et de nombreux miracles commencèrent à se produire sur son tombeau, attirant ainsi de nombreux pèlerins. Un bourg se développa pour les accueillir, prenant le nom du saint martyr : Saint-Rambert.



ST. DIDIER, ST. VULBAS
Didier était évêque de Vienne. Lorsque notre région tomba sous la domination de Brunchaut, un personnage notoire pour ses comportements scandaleux, Didier osa lui faire des reproches sur son comportement répréhensible, ce qui attira sa colère. Il fut alors brutalement démis de sa fonction épiscopale, puis traduit devant un concile à Mâcon, dont les membres étaient totalement acquis à la cour royale. Là, il fut destitué de son poste et condamné à l'exil. Trois seigneurs, partisans dévoués de la reine, furent officiellement chargés de l'escorter jusqu'à son lieu d'exil, mais en réalité, ils avaient pour mission de se débarrasser de lui. Ils tendirent une embuscade à son escorte lors du voyage, la dispersèrent, et s'emparèrent de l'évêque. Après l'avoir lapidé, ils abandonnèrent son corps à l'endroit connu sous le nom de « Saint-Didier-sur-Chalaronne », où il fut inhumé. Une chapelle fut érigée sur sa tombe, où de nombreux miracles confirmèrent la sainteté de l’évêque. Saint-Didier reçut une vénération spéciale dans notre région, avec plusieurs localités portant son nom, et de nombreuses autres l'ayant choisi comme saint patron.

Villebaud exerçait les fonctions de gouverneur de la Bresse et du Bugey pour le compte de Clovis II. Ses ennemis à la cour parvinrent à le discréditer aux yeux du roi, qui envoya Flocoard, maire du palais, pour le destituer de ses fonctions. Villebaud, qui était apprécié de ses administrés, refusa de se soumettre à sa disgrâce. Son adversaire l'attira dans une embuscade, où il fut lâchement assassiné. Il fut ensuite vénéré comme saint et martyr sous le nom de Saint-Vulbas, et son tombeau devint un lieu de pèlerinage très fréquenté.



N. D. DE BOURG
Autrefois, Bourg n'existait pas en tant que paroisse. Son siège paroissial, sous le vocable de Saint-Pierre, était à Brou, une antique cité gallo-romaine. Cependant, avec l'installation de la cour de Savoie dans le château des Sires de Bâgé, Bourg connut une croissance considérable. La chapelle attenante à ce château devint rapidement insuffisante pour répondre aux besoins spirituels de la population, principalement concentrée autour de cette nouvelle zone. Le prétexte du transfert de la paroisse fut fourni par la découverte de la statue de la Vierge noire, découverte au creux d'un saule, près d'un étang situé à l'emplacement actuel de l'église Notre-Dame de Bourg. Cette statue fut déplacée à Brou, mais dès le lendemain, elle était mystérieusement revenue à son emplacement d'origine. Plusieurs tentatives similaires aboutirent au même résultat, ce qui fut interprété comme le désir de la Vierge d'avoir un lieu de culte dédié à cet endroit précis. Ce qui fut fait avec la construction de l'église que l'on peut admirer aujourd'hui.

La Vierge noire de Bourg fut très vénérée au Moyen Âge. Lors de certaines occasions solennelles, elle était portée en procession à travers les rues de la ville. Cette popularité se manifesta par une multitude d'ex-voto offerts à son sanctuaire, allant de modestes dons aux présents précieux , tels qu'un cœur en or suspendu autour du cou de la Vierge par une chaîne du même métal. Mais cette richesse attira l'avidité de certaines personnes. Une nuit, un voleur pénétra dans la chapelle avec l'intention de dérober le plus bel ornement de la madone. Mais il se retrouva incapable de retirer ses bras qu'il avait enlacés autour du cou de la statue. Il dut demeurer dans cette position jusqu'au matin, moment où les exorcismes du prêtre le libérèrent, mais seulement pour le livrer à la justice ordinaire.



N. D. DE PRÉAU
Préau, un charmant village du Cerdonnais, situé dans la pittoresque gorge où coule le Veyron, abrite un oratoire dont l'origine est expliquée par la tradition. Tout comme à Bourg, des bûcherons travaillant en forêt, découvrirent une statue de la Vierge noire encastrée dans le tronc d'un chêne. Dans un premier temps, le curé de Cerdon envisagea de l'installer comme ornement dans son église paroissiale et elle y fut transférée avec grande cérémonie. Mais dès le lendemain, la statue avait mystérieusement disparu pour réapparaître dans le creux de l'arbre d'origine. Une seconde tentative connut le même sort. Cela conduisit à la conclusion que la Vierge désirait avoir un autel précisément en ce lieu. Cette décision fut acceptée, et le sanctuaire fut inauguré avec solennité. Le curé de Cerdon repartit chez lui avec la clé dans sa poche. Le jour suivant, des fidèles vinrent lui signaler que la porte était grande ouverte. Le pasteur pensa que peut-être le verrou n'avait pas bien fonctionné et se rendit sur place. Cette fois, après une prière, il s'assura méticuleusement de la fermeture de la porte. Cependant, le matin venu, celle-ci était à nouveau ouverte. De cela, on conclut que la Vierge souhaitait rester en contact direct avec ses dévots et qu'elle n'avait aucune crainte des voleurs ni de quiconque. La porte demeura donc ouverte et les gens commencèrent à invoquer Notre-Dame de Préau pour conjurer la peur. De toute la région environnante, de la Bresse, du Revermont, de la Dombes, du Bugey, et même de la montagne, les enfants étaient emmenés à Préau pour être guéris de leurs terreurs.
Une nouvelle chapelle a été érigée pour remplacer l'ancien oratoire, mais la tradition de ne jamais fermer ses portes, de jour comme de nuit, est rigoureusement respectée. Le 8 septembre, jour de la fête de la Nativité de la Vierge, attire chaque année une multitude de pèlerins. La vallée se remplit et l'assistance déborde dans les champs car la chapelle elle-même est bien trop petite pour accueillir cette foule. C'est pourquoi la cérémonie se déroule en plein air. Concernant le repas, les préparatifs sont rapidement faits : jeunes et moins jeunes s'assoient dans l'herbe et dégustent les victuailles apportées. Ensuite, les groupes se dispersent pour explorer les environs. Certains se rendent à la jolie cascade de la Fouge, située au pied de l'Avocat, tandis que d'autres visitent la charmante bourgade de Cerdon avec ses 20 fontaines et sa nouvelle cuivrerie-musée.

Pfiou ! J’ai l’impression d’avoir couru un marathon en réécrivant toutes ces petites histoires dans un langage un peu plus accessible (lues dans « Au bord de l’Ain » de Philibert Neuville, 1910.) J’ai presque envie de m’offrir une médaille… J’espère maintenant que vous allez me récompenser avec quelques commentaires partageant légendes ou superstitions aindinoises qui n'ont pas trouvé leur place dans ce texte. Allez, ne soyez pas timides, lâchez-vous ! Un brin de folklore, ça fait du bien au moral, tu sais. Comme une bouffée d’air frais dans les poumons, un rayon de soleil sur la peau. Ça réchauffe le cœur, ça donne envie de sourire. C’est comme si tout était possible.😉 



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