Châtillon-la-Palud (01)
La marque Rasurel est née à Lyon en 1884 sous l'impulsion de Louis Neyron (1856-1917), licencié en droit, né à Nantua (01) et de Marius Rasurel, médecin hygiéniste, né à Brénod (01).
Jusqu'aux découvertes du Dr Rasurel, la flanelle représentait ce que l'on trouvait de mieux pour protéger le corps des inconvénients de la sudation. Mais la flanelle mouillée sur le corps, c'était le refroidissement assuré, car si elle absorbait bien la sueur, elle ne l'évaporait pas et avait le défaut de mettre un temps infini à sécher. Le tissu en flanelle empêchait également l'air de circuler et asphyxiait la peau.
En bon médecin, Marius Rasurel cherche donc à créer le tissu parfait : capable de protéger contre le froid tout en laissant circuler l'air et faciliter à la fois l'absorption et l'évacuation de la sueur. Il a l'idée de créer un fil en mélangeant de la laine vierge avec de la ouate de tourbe car celle-ci est constituée de fibres creuses, enveloppées d'un réseau de vaisseaux tubulaires et perméables. La tourbe possède une porosité telle qu'elle peut absorber quatorze fois son poids en eau. C'est une véritable pompe aspirante et refoulante. Elle est de plus antiseptique, désodorisante et empêche les microbes de pulluler. Une fois ce fil tricoté à la machine, il donne un tissu de maille isolant, désinfectant et souple, contrastant avec la toile raide et rêche déjà existante.
Le Journal, 5 novembre 1903.
Louis Neyron, ami du bon docteur et passionné par l'industrie textile, décide de fonder une société avec lui. Ce sera une bonneterie située à Lyon, grande rue de Montplaisir (aujourd'hui avenue des frères Lumière). Ils l'appellent Société du Dr Rasurel (qui deviendra par la suite Rasurel). Avec le tissu Rasurel, l'entreprise fabrique des gilets, des draps, des couvertures, des pantoufles, puis toute une gamme de sous-vêtements destinés à toute la famille et très agréables à porter. Ceux-ci seront utilisés par des millions de Français durant des générations, jusqu'à l’arrivée de l’univers glamour du maillot de bain.
En 1887, jeune veuf et jeune père, Louis Neyron épouse en secondes noces Félicie du Louvat de Champollon (1870-1962), la sœur d'Eugénie, sa première femme, native de Jujurieux (01). Félicie élève Marie Neyron, sa nièce, qui épousera plus tard Auguste Colard, fabricant d’absinthe de Pontarlier, industriel fort prospère jusqu’à l’interdiction de cette boisson en 1915.
Félicie mettra au monde quatre enfants :
- Jeanne Neyron (1889-1956), qui épousera en 1913 l'industriel Jean Pouzet (Rivoire et Carret) et lui donnera 9 enfants. Blandine, sa fille aînée, reprendra le Domaine de Monte au Lever, maison art déco construite de 1910 à 1913 pour Louis Neyron. Ce domaine, situé dans le Haut-Doubs, sera pour Louis et Félicie une sorte d’ermitage, un lieu de sérénité et de vie saine en famille qui les aidera à affronter les tensions de la vie industrielle à Lyon.
- Marguerite Neyron (1894-1978) qui épousera l'industriel Henri Gormand (Mavic) et lui donnera 8 enfants.
- Pierre Neyron (1896-1974), qui restera célibataire.
- Jacques Neyron, né en 1913, qui, après de solides études le préparant à diriger la société familiale, épousera Raymonde Gindre et lui donnera deux enfants avant de mourir lors de la Bataille de la Somme en juin 1940.
En parallèle, Félicie qui est dotée d'une forte personnalité aide beaucoup son mari dans son entreprise. Grâce à elle, la Société du Dr Rasurel devient rapidement prospère. Non seulement les produits se vendent comme des petits pains en France, mais ils s'exportent également dans le monde entier, faisant de Louis un industriel reconnu. Lors de l'Exposition universelle de 1900, le stand du Dr Rasurel obtient une fréquentation record, preuve de la notoriété de l'entreprise.
Mais Louis Neyron meurt en 1917 d’un arrêt cardiaque et Félicie décide de reprendre les rênes de la société. Féministe et avant-gardiste, elle lance Tanagra, la première ligne de lingerie féminine qui comprend combinaisons, corsets et mini-slips, précurseurs des bikinis.
Marie-Claire, 14 octobre 1938.
L'entreprise est toujours aussi prospère lorsque Félicie songe à préparer sa retraite. Comme Jacques est mort pour la France, elle transmet Rasurel à son fils Pierre, athlète complet : équitation, natation, nautisme, ski, etc. Il introduit de nouvelles matières telles que la rayonne et le tergal. Il développe la marque vers le Sportswear et lance la première collection de maillots de bain pour hommes, femmes et enfants. Homme de communication, il multiplie les opérations publicitaires sensationnelles : défilés de maillots dans les casinos des stations balnéaires, distributions sur les plages de gros ballons imprimés, participations aux élections de Miss France, Miss Monde, sponsoring du Tour de France... Il intensifie les encarts pleine page dans les magazines et les textes peints sur les façades des maisons le long des routes de France.
Excelsior, 17 octobre 1927.
Le paragraphe ci-dessous ne se trouve pas dans les diverses biographies de Pierre Neyron de Champollon que l'on peut lire sur le Net. Il faut consulter les archives de presse pour apprendre ce qui suit.
L'appât du gain finira par tourner la tête de Pierre Neyron. Avant la guerre, tout le monde connaissait Rasurel, la fameuse marque de sous-vêtements. Les lyonnais en connaissaient bien le propriétaire, célèbre entre Saône et Rhône pour ses frasques et ses intrigues féminines. À partir de 1942, on trouvera dans les journaux, non plus des pleines pages de publicités Rasurel, mais des articles à scandales sur les comportements de l'industriel. Il planque de l'argent en Suisse. Il trafique des billets de 5000 francs démonétisés avec le Crédit Lyonnais. Il organise des parties fines avec les allemands dans sa magnifique villa de Monplaisir. Il passe avec eux un marché de 150 millions de francs qui l'engage à équiper l'Africa-Korps de Rommel en sous-vêtements. À la Libération, cela lui vaut de retentissants démêlés avec la justice pour collaboration économique. Les services du contrôle économique évaluent à un million par mois les bénéfices illicites réalisés durant les deux dernières années de l'occupation. Mais il s'en tire bien. Lors de son premier procès il simule la folie et bénéficie d'un non-lieu. Peu après le jugement, il fréquente plus que jamais les boites de nuit et toutes les réunions mondaines, sportives et artistiques. Sa folie est passée ! Puis vient le second procès où il dira pour s'expliquer sur sa collaboration avec l'ennemi : « C'est une vieille affaire, il y a longtemps qu'on en parle plus. » Il écope d'une amende de 66 millions de francs. Cependant, tous ses trafics lui valent de nombreux ennemis : en février 1947, il est victime de l'attentat de l'hôtel Georges-V à Paris. Un colis piégé lui est livré dans sa chambre. Il explose dans les mains de Simone Cordier, sa secrétaire qui est également l'une de ses nombreuses maîtresses. Il n'est pas blessé car il n'est pas là. Il s'est absenté pour aller retrouver Mlle Vivet, une autre de ses maîtresses. Simone a les deux mains arrachées et perd la vue. [Merci connard] 😡
France Soir, 3 février 1947.
Il se retire des affaires en 1966 en vendant la marque Rasurel à Maurice et Charles Bugnon, propriétaires de Lejaby. Cette société décide de concentrer l’activité de la marque Rasurel sur les maillots de bain homme et femme. Malgré plusieurs changements de propriétaires, Lejaby conserve le nom de la marque pour les maillots de bain à haut niveau de qualité fabriqués en France.
En 2008, le groupe autrichien Palmers rachète la marque et relève avec succès le défi de la continuité.
Sources :
Le Matin du 10 octobre 1911.
Maison Lejaby
Gite-Doubs-Jura
Libération du 26 février 1948.
L'Humanité du 4 février 1947.
France-Soir du 3 février 1947.
Ce Soir du 6 février 1947.
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Usine Rasurel à Lyon-Monplaisir. CP : Jules Sylvestre. Source :
Numelyo.
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Numelyo.
Neuville-sur-Ain (01) - Pub disparue depuis la réfection du garage.
Maubeuge (59)
Pleurtuit (35)
Banque Caillaut et pub Rasurel, Paris.
Kiosque du Dr Rasurel sur la Place Bellecour, Lyon.
1938
Maillot modèle Intrépide.
Maillot modèle Trait-d'Union.
1967
1969
1970
1970
1970
1971
1973
1975
1984
1990
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